← Retour

Numéro 23 - rive spirituelle - décembre 2012

dr Claude Proeschel, Maître de conférences, Groupe Sociétés, religions, laïcités

Mosaïque confessionnelle en Europe

rive spirituelle  de décembre 2012

 dr Claude Proeschel, Maître de conférence, GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités), EPHE-CNRS

Mosaïque confessionnelle en Europe, l’héritage de Vatican II

Le 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II par le pape Jean XXIII le 11 octobre 1962 nous fournit l’occasion de nous interroger sur son apport aux rapprochements et  au dialogue au sein de la mosaïque des différentes  confessions.

Le Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redintegratio, restauration de l’Unité du 21 novembre 1964, officialise le dialogue déjà existant avec les Eglises chrétiennes. Tout en réaffirmant  la fidélité à la doctrine traditionnelle concernant la nature et la structure de l’Eglise, il souligne l’importance de l’engagement dans un dialogue sans a priori, fondamental pour son existence et son devenir. Celui-ci concerne les théologiens, mais aussi les fidèles dans leur vie pratiquante, et voit des évolutions dans des domaines tels que le mariage entre chrétiens de confession pratiquante, ou la mise en place  de prières en commun. L’intention conciliaire sera renforcée en 1993, par le « Directoire pour l’œcuménisme ». L’Eglise multipliera aussi les gestes de fraternité entre chrétiens, tel le prêche de Benoit XVI en 2010 à l’église luthérienne de Rome.

La déclaration sur les relations  de l’Eglise avec les religions non-chrétiennes, Nostra Aetate, du 28 octobre 1965 s’inscrit pour sa part dans la nouvelle configuration dont le Concile a signé la légitimité en matière de liberté religieuse. Si la déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis Humanae Personae, promulguée le 7 décembre 1965, reflète une modification, elle témoigne aussi de l’ambiguïté du discours catholique. Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, et Dieu a fait connaître au genre humain la voie d’obtention du salut : c’est l’unique religion, qui  subsiste dans l’Eglise catholique et apostolique, ayant mandat de la faire connaître à tous. Cependant, la vérité ne doit plus s’imposer  par la contrainte. Chacun a droit à la liberté religieuse. Certes, les hommes sont tenus de chercher la vérité et d’y adhérer, mais ils ne peuvent satisfaire à cette obligation que s’ils sont libres de toute contrainte. Le passage est clair, de l’anathème au dialogue. Mais en rattachant la liberté religieuse à la nature humaine, le texte se réfère au droit naturel et implique implicitement l’inégalité entre les différentes confessions au niveau doctrinal, même s’il la réclame au niveau juridique comme conséquence du respect de toutes les consciences.

La Déclaration Nostra Aetate  situe la promotion du  dialogue et du respect dans ce cadre doctrinal. Elle est issue,  dans les premiers temps de son élaboration,  de la prise de conscience de la nécessité d’un changement d’attitude vis-à-vis du judaïsme, particulièrement après la Shoah. La réflexion sur la question de la responsabilité dans les persécutions se double d’une évolution théologique et culturelle vers l’affirmation, dans la lignée des propos de Pie XI des racines juives du christianisme.  Le Concile déclare en outre qu’on ne peut admettre l’accusation de déicide, et promeut « la connaissance et l’estime mutuelles », ainsi qu’« un dialogue fraternel ».

Les relations avec le judaïsme pourront dès lors s’enrichir, mais buteront, jusqu’au début des années 1990, sur la question de la reconnaissance de l’Etat d’Israël. Il existe, dans la période préconciliaire, un courant, certes minoritaire, au sein de l’Eglise, préconisant également une évolution des relations avec l’islam (1), à partir de l’affirmation d’une filiation abrahamique liant christianisme, judaïsme et islam, courant auquel Paul VI n’est pas insensible.  Ce courant jouera un rôle non négligeable dans l’élargissement à l’islam de l’intention première d’ouverture vers le judaïsme. Si l’on ne retrouve pas le lien de parenté évoqué pour ce dernier, la référence à Abraham et le caractère monothéiste de l’islam lui font accorder une attention particulière, et le Concile déclarera vouloir promouvoir les valeurs communes de « justice sociale, valeurs morales, paix et liberté ».

Enfin, le mouvement ainsi enclenché s’étendra aux religions d’Asie, bouddhisme et hindouisme en particulier, approfondissant une tradition déjà existante pratiquement (2). Si l’application des décisions conciliaires a pu rencontrer quelques réticences, en particulier dans les pays où le catholicisme était minoritaire, le dialogue interreligieux  va néanmoins largement se développer et contribuer à l’expression de la richesse que représente la mosaïque des confessions au sein des sociétés nationales. L’Eglise, avec les limites doctrinales évoquées ci-dessus, a pris acte de l’importance, dans un monde ouvert, de la compréhension et de la connaissance  des autres.

 (1) Il se fonde sur les travaux d’un certain nombre d’orientalistes, tel Louis Massignon
(2) Les rencontres de 2005 organisées pour célébrer le quarantième anniversaire de Nostra Aetate réuniront des représentants de toutes ces confessions



devenez contributeur des rives d'iriv

← Retour