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Numéro 24 - rive européenne - juin 2013

Roberta Gualtieri, Chargée de mission à l'iriv, Master Droit européen, Université de Naples et de Paris-Est Créteil

Droit des migrants: à chacun sa vérité

Selon Eurostat (1), en 2010, sur les 32,5 millions d’étrangers vivant dans les États membres de l’Union européenne, près de 20 millions viennent de pays extérieurs à l’union. Les ressortissants étrangers constituent 6,5% de la population totale des Vingt-sept. Ils viennent avec l’espoir d'une vie meilleure, du respect des droits de l'homme, de pluralisme, d’un État de droit et de plus de justice sociale.

Les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE ont été divisés par deux en 2012 d’après Frontex, l’agence européenne basée en Pologne et chargée de coordonner la surveillance des immigrations clandestines (2). Selon les dernières données, 72 430 franchissements illégaux ont été recensés en 2012 soit une baisse de 49 % par rapport à l'année précédente.

Si l’on s’en tient uniquement à la vérité « institutionnelle », on pourrait penser que l’Union européenne a obtenu de bons résultats dans sa lutte contre l’immigration clandestine. Le citoyen européen se sentirait ainsi plus en sécurité chez lui, grâce au renforcement de frontières mieux surveillées. Ce n’est pas l’analyse des organismes non gouvernementaux et des associations, habitués au travail de terrain

Selon l’ONG Amnesty International (3) la baisse des franchissements irréguliers ne s’explique pas par le renforcement des frontières terrestres (première raison de la diminution) mais par le mépris des droits fondamentaux par certains pays. Selon les témoignages, ces pays repoussent de façon violente les immigrés clandestins qui essaient de traverser la frontière. Ils  emprisonnent aussi les mineurs non accompagnés qui devraient faire l’objet d’une protection internationale(4). Ainsi, ce qui représente une avancée au niveau du renforcement des frontières ne correspond pas nécessairement à une avancée dans la protection des droits des immigrés. Deux aspects de la même vérité ou deux vérités opposées ? 

2013 est l’année de la citoyenneté européenne. Or, l’un des droits fondamentaux garanti aux citoyens est la libre circulation des personnes dans le territoire européen. En contrepartie, les Etats membres collaborent afin de renforcer les frontières extérieures, avec notamment la mise en place d’une politique commune en matière d’asile et d’immigration.

Les migrants se sentent-ils suffisamment citoyens européens ? De quelle manière vivent-ils leur citoyenneté ? L’année européenne de la citoyenneté permet de poser la question de la vérité sous un autre angle. Pour les migrants qui habitent l’Europe et qui veulent y rester, nulle vérité n’existe sur leur réussite d’intégration dans le territoire européen, pas de statistiques officielles. Dans ce contexte, se sentir citoyen ne signifie pas seulement être libre de circuler et d’exercer le droit de vote mais aussi contribuer activement à la vie de la société dans laquelle ils ont choisi de vivre.

Deux projets français, MigrActrices pour l’emploi et Trans-Cité, partent de ce constat pour aider les migrants à s’intégrer. Le premier s’intéresse à l’insertion professionnelle des femmes migrantes. Le second a pour objectif de renforcer la citoyenneté active des jeunes et des femmes migrants, vivant dans des quartiers défavorisés en leur donnant des outils et une méthode pour participer à une expérience associative.

Une expérience associative peut permettre à des jeunes et des femmes migrantes de trouver leur place dans la société occidentale sans oublier leur identité. Ils ont le droit de s’exprimer et ainsi d’alimenter le processus de décision publique, ils doivent l’exercer. Leurs témoignages et leur action pour les autres contribueront à créer une autre vérité, la leur. 

 

(1) Communiqué de presse Eurostat, 14 juillet 2011 : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-14072011-BP/FR/3-14072011-BP-FR.PDF
(2) Rapport de Frontex, avril 2013 : http://www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/Annual_Risk_Analysis_2013.pdf
(3)  Asylum-seekers and migrants in Greece hounded by police operations and right-wing extremists, 20 décembre 2012 : http://www.amnesty.org/en/news/asylum-seekers-and-migrants-greece-hounded-police-operations-and-right-wing-extremists-2012-12-
(4)   Comme la Grèce et l’Italie



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