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Numéro 25 - rive de Russie - décembre 2013

Albina Khasanzyanova, administratrice, Master en Sciences de L'Education, doctorante à l'Université de Reims Champagne Ardenne

Du songe à la réussite éducative

Pour favoriser «  la circulation du savoir » dans l’Union Européenne et ouvrir ses portes à d’autres pays, l’Europe a créé le programme Erasmus Mundus initié en 2003. Il vise à soutenir la mobilité et la coopération entre les établissements européens et non européens. « Promouvoir l’Union européenne comme espace d’excellence académique » et « offrir aux étudiants les meilleures perspectives de carrière » (1) sont deux  objectifs principaux de ce programme. Dans ce contexte, la question des apprentissages des étudiants de master tient une place fondamentale.

Les candidats sont confrontés à de critères stricts de sélection : d’excellentes notes de licence, la maitrise de deux langues, une lettre de motivation convaincante. Les futurs étudiants doivent passer deux ans dans deux pays européens partenaires du programme. Ils sont censés « représenter » leur pays et « contribuer au développement durable de l’enseignement supérieur des pays tiers », c’est-à-dire de leur pays d’origine. Ils bénéficient d’une « qualité d’enseignement » européenne, à laquelle ils aspirent, ce qui peut générer certains « clichés ». Etudier et avoir un diplôme européen relève en effet du « songe » pour de nombreux postulants. Ils  s’engagent dans ce type de master car c’est une opportunité de « prouver » à leur famille, à leur « alma-mater », une future réussite en revenant de ce « voyage » éducatif.

Tout au long de ce parcours, les étudiants développent leur réflexion et leur esprit critique sur la matière enseignée, le statut de chercheur, l’amélioration de pratiques professionnelles. Cette « réussite éducative » va cependant au-delà des compétences techniques. Ils découvrent aussi les différentes réalités des pays qui leur semblent « étrangères » : la culture, la langue, le mode de vie, la cuisine.

Les étudiants sont confrontés à la solitude, « au mal du pays» dans ce « parcours » de découvertes, d’expériences et d’échanges. Au gré de nouvelles rencontres, ils acquièrent des compétences de manière informelle. L’idée de l’iceberg de Allen Tough (1971, 2002) montre l’importance des apprentissages non intentionnels, partie la plus invisible mais la plus dominante qui représente approximativement 90% de tous les apprentissages humains (2). Abraham Pain les analyse également comme une « forme souterraine, invisible et contrebandière de l’éducation » (3). L’« invisibilité » de ces apprentissages les rend difficiles à identifier et par conséquent à valoriser.

L’interculturalité, du point de vue de la sociologie, est une approche « basée sur des valeurs et des croyances démocratiques, en affirmant un pluralisme culturel dans des sociétés culturellement diverses et un monde interdépendant » (4). Dans le cadre du master Erasmus Mundus, elle permet aux étudiants d’origines  multiples, de prendre conscience de la diversité, de réguler les difficultés de la communication, voire  de « lutter » contre les préjugés, les discriminations, le racisme. Ces apprentissages dits spontanés, occasionnels et non intentionnels, se chargent de valeurs, parfois de sentiments d'appartenance (5). Selon nous, ces apprentissages interculturels permettent de  « participer à une éducation générale qui promeut le respect mutuel par la compréhension mutuelle ». Comme le signale Philippe Blanchet, les relations interculturelles révèlent « différents processus positifs et négatifs de changements culturels, donc, au moins partiellement, de changement d’identité, voire de modification de sentiment(s) d’appartenance(s)» (6).

Pour les étudiants, ce processus éducatif et social promeut les relations positives d’échange et d’équité entre individus issus de différentes cultures et origines (7). Lors d’un master européen, les apprentissages interculturels révèlent des savoirs et des connaissances sur soi-même, sur les autres, fondées sur la socialisation, la tolérance, la diversité, la solidarité et le respect. Ce programme offre une expérience éducative unique dans différents contextes internationaux. C’est un « défi », l’élan d’avoir un autre songe, de construire une autre « aventure » et de découvrir  d’autres horizons.

 

 

(1)   L’agence française 2e2f http://www.2e2f.fr/page/erasmus-mundus
(2)  Allen Tough,  The Iceberg of Informal Adult Learning, NALL Working Paper N 49 , Toronto, 2002
(3) Abraham Pain, L'éducation informelle. Les effets formateurs dans le quotidien, Paris, L'Harmattan, 1990
(4) Christine Bennett,  cité par Institut National de Recherche Pédagogique, Approches interculturelles en éducation. Etude comparative en éducation, Les Dossiers de la Veille, 2007
(5) Ali Hamadache, Articulation de l’éducation formelle et non formelle. Implications pour la formation des enseignants, UNESCO, Paris, 1993
(6) Philippe Blanchet, L’approche interculturelle comme principe didactique et pédagogique structurant dans l’enseignement/apprentissage de la pluralité linguistique,  Université Rennes 2 Haute Bretagne, France
(7)  Susana Lafraya, Intercultural learning in non-formal education: theoretical frameworks and starting points, Council of Europe and the European Commission, 2011

 



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