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Numéro 4 - rive spirituelle - juin 2005

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Limites

Le bénévole a des limites dans l'exercice de ses fonctions. Pas le bénévolat lui-même, car le Bien, comme tout ce qui est spirituel, n'a pas de limite. Il est consolant qu'il soit toujours possible de répandre le bien autour de nous, dans ce monde imparfait dont les insuffisances et les faiblesses sont le reflet de notre nature elle aussi imparfaite…   


Les actions du bénévole sont donc forcément limitées, dans l'espace et dans le temps, étant par essence les actions d'un simple mortel. Ce sont ces limites de notre nature humaine auxquelles il est raisonnable de se soumettre (comme le boire ou le manger). Ces considérations sur les limites physiques de l'individu paraissent évidentes et sont heureusement secondaires pour le bénévole.   

Plus difficile est de cerner les limites morales qui sont les siennes. Si le bénévole les suit volontiers avec application dans ses premières aspirations, il a parfois tendance à les oublier par la suite. Cachées par la générosité, ces limites morales restent invisibles à ses yeux, par suite de la confusion entre effort moral et effort spirituel. Le premier suit une échelle de valeur : il existe des actions bonnes et des actions mauvaises. La valeur même de ces actions détermine des limites morales qui ne sont pas toujours évidentes à nos yeux. En effet, nous manquons précisément de cette force spirituelle seule capable, par son caractère illimité, de donner une saine échelle de valeur. C'est toute la différence entre les saints et nous : eux connaissent leurs limites et, si l'on peut dire, restent à leur place.   

Hélas, nous ne sommes pas des saints : les efforts pour accomplir un bien sont certes louables, mais c'est une arme à double tranchant. La fatigue psychologique existe, ainsi que le manque de recul nécessaire à la qualité de toute œuvre altruiste. Tout investissement individuel peut conduire à une vision personnelle du bénévolat, alors qu'il s'agit avant tout d'aider les autres. Si le bénévolat devient une échappatoire, il reste bon s'il permet à l'individu de s'épanouir mais discutable s'il n'aide pas à résoudre ses propres problèmes (par exemple familiaux…). Si bien que tout bénévolat personnel requiert une pureté d'intention, à cause des mauvais penchants de notre nature, dont il faut apprendre à se méfier, avant d'en constater les malheureux effets.   

Le bénévole qui s'impose connaîtra les dangers de l'ambition personnelle et toutes les déviations qui en sont issues, telles que la jalousie : le bénévolat ne doit pas devenir un tremplin pour sa publicité personnelle. Se surestimer, se croire indispensable, s'approprier tel ou tel service ne permettent pas de caractériser un bénévolat qui veut se fonder avant tout sur la gratuité, le désintéressement et l'oubli de soi-même. Ces travers qui, finalement, sont souvent inconscients, demandent de la circonspection, de la défense et de la sévérité envers soi-même.   

Si le bénévole s'approprie des responsabilités finalement trop lourdes à assumer, cela le poussera à se reposer sur ses subordonnés auxquels il reprochera peut-être ses propres défaillances. Le bénévolat inclut le respect d'autrui, la courtoisie. Il serait paradoxal d'établir pour un bénévole, en ce domaine, une distinction avec d'autres bénévoles.   

Nous ne sommes pas les propriétaires du Bien. Le monopoliser reviendrait à vouloir en établir les principes, qu'ils soient bons ou non, ce qui limiterait considérablement le bénévolat. Pour les autres, les règles du jeu seraient alors faussées, car elles deviendraient aléatoires, incertaines parce que personnelles. Faire du bénévolat, ce n'est pas faire de la politique.   

Les problèmes évoqués traitent donc essentiellement du bénévole lui-même. Etre bénévole, c'est bien. Bien le faire, c'est mieux. Si l'on ne peut donner aux autres que ce que l'on a, l'expression est à prendre dans les deux sens. Donner son amour aux autres, c'est une chose et imposer ses défauts, c'en est une autre. Il faut éviter tout ce qui peut ternir le bénévolat : un amour de soi, incompatible avec l'amour des autres.   



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