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Numéro 8 - rive spirituelle - septembre 2006

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Peut-on transmettre le Bien ?

Le Bien est commun à tous les hommes. Il n'est pas la propriété de l'un ou de l'autre, voire d'un groupe avec sa culture, ses coutumes, ses idéaux politiques. Le Bien fait partie de la nature humaine, il est toujours universel, quelles qu'en soient les modalités. Il figure dans l'action de l'homme, ses qualités, sa générosité, sa capacité à "faire le bien". Le Bien apaisera bien des tempêtes, il est le dénominateur de tous les hommes, au contraire du mal qui divise.

Où est le Bien que nous transmettons ? Il se situe en nous mais nous l'avons reçu tout au cours de la vie. A la naissance, nous l'avons dans notre coeur comme nos semblables mais jamais de manière absolue. Puis l'éducation nous apprendra à distinguer le bien du mal, à développer notre intelligence sans ce "formatage" qui enlève à l'homme sa liberté de jugement. Enfin, l'homme par sa propre expérience apprend à connaître le bien par son observation des gens, des choses et des circonstances.

De la théorie du philosophe Platon, reprenons trois idées essentielle. Il y a d'abord le Bien, dont le caractère général est de se répandre, de se communiquer. On dit "faire le bien", car cet acte extérieur à l'homme a pour but de se diffuser, d'en faire bénéficier les autres. Le Bien se reconnaît dans son application pratique, la justice. C'est pourquoi l'injustice restera toujours le principal défaut de ceux qui exercent l'autorité et ne respectent pas l'universalité du Bien. Selon Platon, il y a ensuite le Beau, toujours conforme à la nature dans son état originel. La beauté de tel geste dérive de la beauté du premier matin de la Création : Bien et Beau se rejoignent (1). Platon décrit enfin le Vrai, qui offre l'avantage d'être immuable, quels que soient le lieu et le temps. Le soleil éclaire, le sang des hommes est rouge, les montagnes ne sont pas des plaines, trois paramètres universels. Les communications seraient grandement facilitées si les hommes s'en souvenaient.

Transmettre le Bien, le Beau et le Vrai est l'affaire de chacun. Il faut donc mener plusieurs combats. Lutter contre ses intérêts particuliers, ce que nous appelons égoïsme lorsqu'ils sont uniquement tournés vers nous-mêmes. Il n'y a alors ni transmission du bien, ni du beau, ni du vrai. Lutter contre toute déformation idéologique qui porte atteinte au bien et donc à la vraie liberté de l'homme, la liberté intérieure. Lutter enfin contre la routine, contre les négligences, les mauvaises habitudes, la fatigue aussi... Car transmettre le bien est l'affaire de tous. Nous oeuvrons ensemble pour être plus efficaces. Nous construisons, ne sachant pas nous si nous verrons le fruit de notre labeur. Nous transformons nos actions en institutions pour préserver des acquis qui semblent si fragiles...

Finalement, le bien, le beau et le vrai nous dépassent. Les développer et les faire fructifier n'est possible qu'avec des références d'autant meilleures qu'elles seront élevées. Nous sommes en quelque sorte des gardiens intelligents à qui l'on aurait confié un dépôt. Pour entretenir, protéger et défendre au mieux ce qui fait notre bonheur, nous devons mobiliser notre temps et notre énergie - tout ce qui irremplaçable - même si l'on est confronté aux incompréhensions et les déceptions. Ainsi, au soir de notre vie, jugeant que nous avons rempli notre tâche, nous pourrons répéter après l'apôtre Saint Paul dans ses Epîtres : " J'ai transmis ce que j'ai reçu ".

    (1) L'adjectif " grand " en son sens figuré est synonyme de " beau " dans le vocabulaire contemporain    Si vous souhaitez réagir à cet article : info@iriv.net



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