← Retour

Numéro 9 - rive spirituelle - janvier 2007

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Le bon Témoin

Un témoin est celui qui voit et entend. Il observe, constate et évalue des événements qui lui sont étrangers au premier abord. Il prend les choses comme elles viennent, car les circonstances en font un témoin. Aussi n'est-il pas forcément le premier arrivé, mais le premier disponible. Il n'a pas d'impératifs, pas d'intérêts, pas de bénéfices à tirer. Désintéressé sans être indifférent, il est attentif sans curiosité et fait preuve de circonspection. Libre de toute idéologie, ses constats sont objectifs. Son temps ne lui appartient pas, la générosité n'est pas quantifiable, son échelle de valeur est celle de tous les hommes de bonne volonté, elle n'a rien de personnel.   


Un bon témoin vient d'abord avec son cœur, il cherche à guérir le mal où il se trouve et subvient aux besoins sans calcul. Les circonstances le poussent au-dessus des hommes, le rendent meilleur. Le bon témoin fait abstraction de ses sentiments, de son caractère, de lui-même, il n'est pas à son propre service, mais à celui de son prochain. Il ne vient pas avec ce qu'il a, ses biens, ses richesses, ses prétentions ou ses certitudes, mais avec ce qu'il est.   

Telle est la différence entre l'Avoir et l'Etre. L'Avoir est multiple et changeant ; il est sujet aux modes et divise facilement, s'il n'est pas dirigé par un principe supérieur. Il est inégal et ne résout pas tous les problèmes. L'Etre au contraire est irremplaçable : il est intelligent, généreux, illimité. Il est plus profond, apporte des consolations aux détresses psychologiques et redouble d'ingéniosité pour trouver des solutions aux problèmes les plus ardus. Les obstacles qu'il rencontre le renforcent de manière continue.   

Il faut subordonner l'Avoir à l'Etre. Placer l'Etre au premier plan est non seulement un impératif philosophique - on existe avant de boire ou de manger -, mais c'est aussi un choix que nous devons faire, car l'Etre assure la permanence de l'Avoir. La sagesse suprême consiste à ordonner les choses, placer au rang inférieur les denrées périssables que représentent l'Avoir et au rang supérieur l'Etre qui n'a pas de limites, id est notre intelligence et notre volonté.   

Les meilleurs mettent l'Etre au premier rang, ils se dépensent sans compter et se donnent parfois jusqu'au sacrifice suprême. Prenons l'exemple, sous la Révolution Française, de ces chefs vendéens qui conduisirent les paysans contre la Convention. Ils ne partageaient pas l'enthousiasme de ces derniers, ne le cachèrent pas mais répondirent à leurs appels insistants et le payèrent de leurs vies. Dans un autre registre, pour obtenir l'indépendance de l'Inde, Gandhi proposa aux Anglais de rendre la liberté au pays en le gardant, lui, le mathma Gandhi, en otage, car " il leur coûterait moins cher "...   

C'est toujours vers le Bien que convergent les témoignages. Le Mal ne saurait constituer un vrai témoignage : il limite, il divise, il détruit. Mais paradoxalement, la présence du Mal peut être une bonne chose, car il peut permettre, en toute connaissance de cause,de prendre les dispositions qui auraient pu être négligées. Le bon témoignage, lui, édifie au sens propre et au sens figuré. L'ensemble de ces bons témoignages donne naissance au Bien.   

On témoigne toujours pour la Justice, vertu souveraine par excellence, celle qui couronne les autres car elle est leur référence. Celui qui aime le Bien aime la Justice. Rendre à chacun ce qui lui est dû, est la première des vertus sociales, celle qui tisse un lien entre les hommes : point de société où il n'y a pas de justice.
 
   
Si vous souhaitez réagir à cet article : info@iriv.net



devenez contributeur des rives d'iriv

← Retour