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Numéro 10 - rive académique - mai 2007

dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Combat et mobilisation

On lutte pour ses idées, on mène un combat pour une cause, on s'engage dans une bataille. Le vocabulaire guerrier est souvent utilisé par les bénévoles. Le " volontaire " était un militaire. Au XVIIe, il était ce combattant courageux qui se proposait pour les missions dangereuses. Il servait dans l'armée sans demander aucune solde, la guerre était le moyen de se réaliser comme individu, dans le feu de l'action.   


Combat et lutte supposent deux adversaires au corps à corps, tandis que bataille et guerre deux groupes qui s'opposent. Au cœur de cette conception guerrière est le duel, forme archaïsante de bellum qui signifiait précisément " guerre " (1) en latin. Il s'agit d'opposer deux camps, deux champions qui se disputeront la suprématie idéologique, religieuse, politique.   

Protagonistes, antagonistes, dérivent du verbe grec agôn " celui qui combat ". Le protagoniste est le personnage principal de la tragédie antique qui lutte contre le destin et la fatalité. L'antagoniste est celui qui lutte contre, l'opposé, l'adversaire. Le français n'a pas conservé le sens fort de ces deux mots. De la même manière, polémique, du grec polémos " la guerre ", n'évoque que l'idée joute verbale et de violence du débat sans aucune référence guerrière (2).   

La radicalisation du combat fait la force et la beauté des épopées et des tragédies, c'est aussi leur faiblesse. La guerre " chaude " (3) est source de déséquilibre, le désordre y est souvent associé, pensons aux mots émeute, soulèvement, trouble, agitation. La violence des coups est une autre composante que l'on retrouve dans pugilat, conflit, bagarre, offensive, assaut, rixe, échauffourée (" poursuivre, frapper "), attaque (" commencer la bataille ") ou bataille (" battre le fer ").   

La notion plus adoucie de rivalité intéresse les rives de l'iriv de manière inattendue : les rivaux sont étymologiquement ceux qui se trouvent sur les deux rives d'un même cours d'eau et s'en disputent la suprématie. La notion de dualité est toujours implicite comme dans les mots synonymes concurrence, émulation, compétition.   

La mobilisation est un terme plus récent que les autres (il daterait de 1771) et paraît particulièrement bien adapté à la notion de bénévolat. L'histoire sémantique nous apprend que mobiliser était initialement un terme juridique et financier signifiant " rendre un bien meuble ". D'où la spécialisation militaire, " mettre sur le pied de guerre ". La notion de mouvement prime dans un mot dont l'emploi figuré est de " faire appel à toutes les forces physiques et intellectuelles d'une personne ou d'un groupe de personnes pour faire face à une situation difficile " (4).   

Faire face et agir, c'est aussi connaître les limites de son engagement : la frontière est précisément cet espace où deux pays font front, protègent leur espace d'éventuelles intrusions adverses. Le mot frontière, créé au XIIIe siècle (5), est apparu dans de nombreuses expressions: tenir frontière " tenir tête aux ennemis en faisant garder les frontières par des troupes " ; faire frontière " faire face, s'opposer à l'ennemi, faire la guerre " ; avoir frontière " avoir mission de défendre ".   

Le volontaire risquait sa vie sur le front, le bénévole doit aussi être sur tous les fronts pour que la force de son action soit reconnue. L'engagement personnel et individuel fait la beauté de cet acte désintéressé, utile et nécessaire. La mobilisation permet de le multiplier et de lui donner une autre dimension.      



(1) Le français a emprunté le mot guerre au francique *werra. 
(2) Ce sens est hérité de l'expression chanson polémique qui désignait initialement une chanson guerrière. 
(3) Toute guerre au sens propre est " chaude ", elle est froide lorsqu'elle est idéologique, la guerre des nerfs consiste alors à ne pas utiliser la lutte armée pour se rendre maître de ses adversaires. 
(4) Définition du TLF 
(5) Le mot n'est pas hérité du latin (qui disposait des mots limes ou finis) ni du grec. Pour en savoir plus, voir notre article " Vocabulaire de la frontière ", publié dans Tropisme des frontières. Approche pluridisciplinaire, Editions L'Harmattan, 2006, p.19-30.



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