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Numéro 17 - rive éditoriale - septembre 2009

dr Bénédicte Halba, présidente fondatrice de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Migration et expérience - We shall overcome

Selon le Centre Européen du Volontariat (CEV), l'Europe compterait 100 millions de bénévoles. Ce sont autant d'expériences associatives. Une étude plus précise de la population bénévole sera publiée en 2011, année européenne du bénévolat/volontariat, grâce au travail confié par la Commission européenne au cabinet d'études et de sondage GHK consulting, auprès des 27 pays de l'Union. Le bénévolat ouvre de belles carrières. Une expérience associative peut être particulièrement fructueuse pour les migrants et les minorités ethniques (2).  

En France, selon les derniers chiffres publiés par l'INSEE, les étrangers vivant en France sans la nationalité française sont 3,5 millions soit 5,7% de la population totale (3). La proportion n'a guère changé depuis 1975, date à laquelle la France n'est plus officiellement un pays d'immigration. La crise économique avait entraîné une augmentation importante du chômage et des tensions étaient apparues sur le marché du travail touchant d'abord la main d'œuvre étrangère, souvent peu qualifiée. La première raison pour émigrer est en effet économique. Des travailleurs venus du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) ou d'Europe (Italie, Pologne, Portugal, Espagne) étaient venus en France pour contribuer à la reconstruction du pays et à la croissance économique des Trente Glorieuses (1945-1975). Depuis 1975, le regroupement familial est devenue une deuxième source importante d'immigration. Une troisième raison pour émigrer est la poursuite d'un cursus universitaire, le nombre d'étudiants internationaux a augmenté ces dernières années. L'asile politique est une quatrième raison : la France, patrie des Droits de l'Homme, est le pays le plus sollicité en Europe.

Pour les migrants et minorités ethniques, un engagement associatif peut être une étape décisive pour une intégration sociale, culturelle et professionnelle réussie. Il développe des compétences sociales et civiques. Elles ont d'ailleurs été consacrées par le Parlement européen et le Conseil européen dans le Programme 'Former et Eduquer tout au long de la vie' (4). Un bénévolat permet aussi d'acquérir une expérience professionnelle.  

L'association rallie de plus en plus de jeunes candidats, scolarisés ou réfractaires au système scolaire, grâce au travail réalisé dans les Maisons des Jeunes et de la Culture (5). Elles sont le fruit de la " République des jeunes ", mouvement issu de la Résistance, qui s'était inspiré des idées de Léo Lagrange. Des dispositifs, comme les Junior associations depuis 1998, ont aussi permis de sensibiliser dès 16 ans les jeunes à l'engagement associatif, à l'initiative des pouvoirs publics et de groupes associatifs (6). Une expérience collective favorise la responsabilité et l'esprit d'initiative chez tous les jeunes bénévoles, pour affirmer leur identité. Cette étape peut être essentielle pour les étrangers qui doivent concilier une double appartenance culturelle.  

Un engagement associatif est également une première expérience sociale et professionnelle pour les parents qui n'ont jamais travaillé, le plus souvent des femmes (7). Le travail réalisé au sein de l'association permet de révéler des compétences et de développer la confiance en soi. Le bénévolat s'inscrit dans la continuité des tâches déjà exercées dans la sphère privée : organisation du temps, comptabilité, communication… Le dispositif des Femmes-relais, créé en 2001 en France, a permis de créer de nouveaux emplois. Dans le cadre de la Politique de la ville, des femmes immigrées exercent la fonction de médiatrices sociales et culturelles. Elles interviennent auprès des habitants et des institutions (centres sociaux, mairies ou d'autres services publics) pour faciliter les contacts et les démarches administratives.  

Pour les travailleurs migrants qui attendent l'autorisation de travailler, un engagement associatif est un cadre privilégié pour utiliser des compétences professionnelles que la loi ne leur permet pas d'utiliser sur le marché du travail. Les diplômes obtenus dans leur pays d'origine ne sont pas reconnus dans les pays d'accueil. Ils sont pourtant obligatoires pour exercer de nombreuses professions (architectes, infirmiers, ébénistes.. .). L'expérience acquise au sein de l'association peut être validée, depuis 2002, pour accéder à un diplôme ou constituer une première expérience professionnelle en attendant de pouvoir travailler (8).  

Dans son discours We shall overcome, prononcé en mars 1965, en pleine lutte pour les droits civiques des Noirs américains, le président Lyndon B. Johnson déclarait en parlant de l'Amérique (1) : 

" Ce grand pays, riche, impatient, peut offrir chance, éducation et espoir pour tous - tous, blancs et noirs, tous, du Nord au Sud, fermiers et citadins. Voici les ennemis : la pauvreté, l'ignorance, la maladie. Ce sont nos ennemis, pas nos concitoyens, pas nos voisins. Et ces ennemis aussi - pauvreté, maladie et ignorance- nous les surmonterons. " (9)  

La France et l'Europe ont montré qu'elles le pouvaient en proposant une politique d'immigration et d'asile européenne, fondée sur l'égalité des chances et le respect des droits. Un engagement associatif est une autre facette, à l'échelon des citoyens, pour comprendre le contrat social qui permet à une communauté humaine de partager des projets et de construire un avenir commun. Les bénévoles, nationaux et migrants, qui ont tenté l'expérience associative l'ont compris depuis longtemps, en France et en Europe.   



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