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Numéro 19 - rive exotique - mai 2010

Merlin Greger, assistant d'allemand

Expérience de l'autre dans les îles Canaries

Alors que je travaillais comme assistant d'allemand au lycée Doisneau de Corbeil-Essonnes, j´ai décidé de fuir les rigueurs de l'hiver pour gagner un centre d´immigration dans les Canaries. Belle occasion de connaître le fonctionnement de ce type de centre et de découvrir le cruel besoin de bénévoles.  

Le centre d´immigration CEMI, financé par l´ONG CEAR -Comisión Española de Ayuda al Refugiado se trouve dans les îles Canaries. C'est un abri pour des immigrants de différentes nationalités. Les employés du CEMI travaillent dans les domaines sociaux, juridiques, et professionnels. Tous leurs efforts visent à l´intégration et à la socialisation des immigrés. Il faut veiller d'autre part à la coordination des ressources disponibles et au respect des droits de l'homme. Dans le centre, se trouvent une cuisine, trois salles de séjour, des chambres (accueillant 4 personnes), une salle de bains, une salle de classe et un bureau pour l'assistance sociale. Jusqu´à 40 immigrants peuvent y être logés simultanément.  

CEAR obtient des aides financière du gouvernement espagnol. D´un côté, il profite d'un arrêté, le Real Decreto Atencion Humanitaria a personas inmigrantes, et de l´autre de la Subvencion Nominativa du ministère pour le travail et la migration. Le montant de cette subvention n´est pas fixé et doit être renégocié chaque année. Tout immigrant, agréé dans le centre, bénéficie d'un séjour de 3 à 6 mois (logé, nourri, blanchi) et d'un soutien juridique et professionnel. Les articles d´hygiène et les vêtements sont pris en charge, ainsi que les frais médicaux et les frais de transport. On leur donne aussi de " l'argent de poche " mensuel et une aide financière pour s´installer ensuite à l´extérieur du centre. Ces aides sont pourtant conditionnées. Les immigrants doivent, entre autres, être arrivés dans les trois ans précédents pour en bénéficier.  

La plupart des immigrants viennent par bateau d´Afrique du nord -Maroc, Mali, Mauritanie. Certains sont originaires de Cuba ou du Sri Lanka, ils ont pris l'avion. Ce sont majoritairement de jeunes hommes (18-25 ans) qui ont fuit la pauvreté et le manque de perspectives de leurs pays pour tenter leur chance en Europe. Ils considèrent l'Angleterre, Allemagne et la France comme plus accueillants que l´Espagne, particulièrement bouleversé par la crise économique. Peu ont été scolarisés dans leurs pays d´origine. Ils souhaitent donc travailler dans l´agriculture, les bâtiments, et la restauration.  

Les stagiaires ont pour mission d'assurer des cours de base dans différentes matières, en espagnol, en anglais et en allemand. On espère que ces formations permettront à ces jeunes hommes de trouver un travail en dehors du secteur agricole, par exemple dans le tourisme. Plusieurs cours visent également à faciliter l´intégration dans la société espagnole. On y aborde notamment les valeurs et le fonctionnement de la démocratie ou la position de la femme dans la société.  

L'allemand est une langue importante dans ces îles car la plupart des touristes viennent d´outre Rhin. Par conséquent, les immigrants suivaient mes leçons avec beaucoup d'assiduité. Pourtant il était très difficile de gérer l'hétérogénéité du groupe. C'est pourquoi j´ai préféré travailler par petits groupes de deux élèves, ce qui a permis d´optimiser l'efficacité des cours et de parler avec les immigrants dans un cadre plus confidentiel. Cette configuration plus intime m´a permis d´apprendre beaucoup de choses sur la culture, les problèmes et les espoirs de tous ces migrants.  

Cette courte expérience a été riche d'enseignements. J'ai d'abord appris à connaître le fonctionnement d´un centre d´immigration. Découvrir la situation de ces migrants m'a changé et m'a permis de mieux comprendre ce que je voyais de manière plus passive dans les médias. Il m'a fallu motiver ces jeunes hommes, les inciter à se former sans rien leur cacher des exigences du monde du travail. Je tire de ce séjour l'impression qu'un bénévolat, même à court terme, est très important pour le fonctionnement des institutions sociales. Les écoles ne devraient-elles pas s´ouvrir aux autres et promouvoir l´échange avec des hommes aux vies et aux préoccupations si différentes des nôtres ?



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