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Numéro 24 - rive spirituelle - juin 2013

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Voix de la vérité

L’expression “la voix de la vérité” est passée depuis longtemps dans les mœurs,son origine est religieuse, au moins biblique. On ne doit pas la confondre avec la parole qui est l’expression de la pensée. Dans l’Ancien Testament, la voix a plusieurs aspects, soit bons, soit mauvais. Elle concerne les Patriarches et les prophètes et ne s’interdit pas les détails pittoresques. Ainsi, on entend la voix de l’âne du prophète Balaam pour que son maître accepte de reconnaître une vérité invisible, celle d’un ange. Dans le Nouveau Testament, la voix est l’instrument de la reconnaissance du Pasteur par les brebis. Cette parabole reprend une vérité naturelle pour expliquer une vérité surnaturelle. Elle insiste sur l’effet à la fois intérieur et extérieur de la « vox Veritatis » (1) sur les brebis que nous sommes.

 Toute vérité peut donc s’identifier à une voix. Toutes les tonalités sont possibles : objective, impartiale, douce, exigeante ou brutale, volontiers influente. Le respect de la liberté d’autrui la caractérise. Techniquement, c’est un souffle qui peut s’adresser aussi bien à plusieurs personnes qu’à une seule. Son origine n’est pas toujours humaine. Pris au sens métaphorique, le souffle peut être intérieur. Dans ce cas, son sens est spirituel, ce qui ne veut pas dire religieux pour autant. Enfin, quelle que soit sa forme, cette voix s’adresse à la conscience. Elle met alors en oeuvre d’autres facultés : la décision, le choix, l’engagement, l’obéissance, l’action, parfois à la suite d’un débat intérieur.

On peut chercher à échapper à la voix de la vérité. Pour ce faire, l’homme ne manque pas d’imagination. L’étouffer ou l’écouter de manière distraite sont des moyens connus. Si la voix de la vérité est subordonnée à une version « officielle », son interprétation varie selon les changements idéologiques. Les médias ont parfois été les vecteurs privilégiés des totalitarismes. La « Pravda », organe officiel du parti communiste de l’URSS ,ne signifiait-il pas « Vérité » ?

L’écoute de la vérité est une vertu. Elle exige la maîtrise de soi, une liberté intérieure, une certaine honnêteté avec soi-même. Il faut une conscience droite, le souci de l’écoute, le refus de la confusion car la vérité n’est ni celle des gagnants, ni celle des vaincus. On ne peut se satisfaire ni de gloire, ni de satisfaction personnelle. On ne peut posséder cette voix de la vérité, mais simplement y adhérer lorsque ce message, contre vents et marées, est fait sien. Il ne faut épargner ni ses efforts, ni son courage. Le prix de la vérité est parfois celui du sang.

Mais au courage doit se greffer l’intelligence, qui, contrairement à la capacité intellectuelle, est l’affaire de chacun. Aristote, le philosophe stagyrite, disait que la vérité est à la fois facile et difficile à atteindre, prenant pour illustration la cible à atteindre. Ce qui fait la différence de la trajectoire, c’est l’acquisition des connaissances au fur et à mesure de l’existence. Selon la culture et l’étude acquises, notre discernement de la vérité sera soit renforcé, soit contrarié, soit diminué. Il a pour ennemies les modes intellectuelles qui refusent la pluralité des  mondes.

La soif de vérité est une exigence de tous, en dépit des difficultés rencontrées et des obstacles à surmonter. La vérité ne saurait se limiter à la réalité. Cette dernière est le fruit d’une observation intègre, alors que la vérité est commune à tous les hommes, quelle que soit leur velléité. Elle constitue un paramètre à la fois collectif et individuel, sans lequel il n’existe pas de paix sociale ni d’équilibre personnel. Tout édifice qui se veut solide doit être bâti sur le roc et non sur le sable, le roc étant cette recherche de la vérité. Elle n’est pas une préférence particulière, rendue égoïste par un humanisme réduit à l’individu. Elle est forcément altruiste, plus soucieuse d’un ordre objectif que subjectif.

Dans le monde actuel où chaque individu est replié sur lui-même, cette adhésion à la vérité est devenue une sorte de dynamique qui demande l’attention de chacun. L’ignorer, c’est choisir de lui porter atteinte, alors qu’elle existait avant nous et perdurera après nous.

 

(1)  L’expression vient des Pères de l’Eglise.

 



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