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Numéro 5 - rive académique - septembre 2005

dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

L'engagement, un paradoxe bénévole

L'engagement est un terme intimement lié au bénévolat. Il nous a paru intéressant d'étudier la famille lexicale de gagepour aborder l'un des paradoxes du bénévolat, la liberté de l'engagement mais aussi ses nécessaires contraintes.   


Le bénévole est étymologiquement " celui qui veut bien ", le mot est le doublet savant de bienveillant. La liberté est au cœur d'une démarche personnelle et désintéressée qui donne au bénévolat une valeur si particulière : personne ne peut vous contraindre à vous engager mais si vous le faites vous êtes lié. Nous avions évoqué deux figures d'engagé : celle de Renaud de Montauban, le volontaire de Cologne dont l'engagement total transforma le guerrier en saint et celle de Girart de Roussillon, engagé malgré lui, dont la bienveillante épouse parvint à chasser les démons (1).   

Le gage est à l'origine un terme juridique qui désigne le " dépôt fait à titre de garantie ". Par spécialisation, il est ce qu'un joueur engage au début d'une partie et qu'il ne récupèrera qu'à la fin du jeu. Par extension métaphorique, le gage signifie la " preuve " ou la " promesse ". L'usage exclusivement pluriel donne au terme le sens purement financier de " rétribution ".   

L'engagement est le fait de lier par contrat, par promesse. Ce terme de droit se double, au XVIIe siècle, de l'idée d'" entrer dans un passage étroit " qui a une acception propre ou figurée. Dans un usage concret, c'est l'introduction d'une unité militaire dans une bataille, ou l'attaque d'escrime permettant de se rendre maître de son adversaire (2). Dans un emploi plus abstrait, il s'applique à une personne ayant une situation sociale qui implique des obligations, mais aussi à une personne engagée dans une liaison amoureuse ou liée par des promesses religieuses. Le sens moderne d'intellectuel ou d'artiste engagé dans une cause date seulement de 1945 (3).   

La gageure ou le gagiste sont des dérivés intéressants. La gageure, simple synonyme de gage au départ, a peu à peu développé le sens " d'action ou de décision dont la difficulté fait penser à une espèce de pari ". Le gagiste est, au XVIIe siècle, un " homme qui reçoit des gages sans être domestique " (4).   

L'engagé bénévole fait un pari, celui d'entrer dans une voie dont il ne connaît pas toutes les destinations. C'est un risque parfois calculé, comme le gage d'un joueur, menant le bénévole dans des voies parfois inattendues, comme l'engagement amoureux ou religieux. Le bénévole est un engagé au même titre que l'artiste ou l'intellectuel qui défend une position. Le contrat qui le lie est un contrat moral, source d'échange et de reconnaissance. Le gagiste bénévole est serviteur d'une cause, libre contrainte qui peut lui ouvrir de nouveaux horizons.   

Navire engagé et s'engager sous voile, ces deux expressions maritimes (5) peu usitées nous rappellent qu'à tout moment nous pouvons être touchés par la rafale bénévole. L'enthousiasme peut faire incliner notre vie, comme ce bateau qui s'engage sous voile. Surpris par ce souffle nouveau, le bénévole est à l'image de ce navire engagé emporté par l'impétuosité du vent mais toujours guidé par la bienveillante lumière du phare !     



(1) Voir rives de l'iriv n°1 (septembre 2004) et n°3 (mars 2005). 
(2) Selon Bescherelle c'est : " l'attaque pour assujettir avec son épée le demi-fort ou faible de celle de son ennemi, afin d'être maître de la ligne droite et de forcer l'adversaire à n'agir qu'en deux ou plusieurs reprises " 
(3) Le non-engagement sera crée à partir de cet emploi en 1949. 
(4) Rappelons que pendant la Révolution française le terme de " domesticité " avait été aboli et remplacé par " engagement ". 
(5) La métaphore marine était également très présente dans le vocabulaire de la reconnaissance (rives de l'iriv n°2, décembre 2004).   



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