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Numéro 5 - rive spirituelle - septembre 2005

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Ces choses qui nous dépassent

Nous ne sommes malheureusement pas les maîtres de l'univers. Notre situation et nos actions se replacent dans un contexte, un ensemble de circonstances dont les tenants et les aboutissants nous échappent, même si nous en sommes les acteurs principaux. Les événements nous dépassent en un monde où l'homme utilise les forces d'autrui, mais hélas sans une maîtrise parfaite. L'homme, centre de la création, en est partiellement responsable, mais commande-t-il directement tous les événements de l'humanité ? Est-il maître de toutes les volontés humaines, peut-il se protéger de toutes les forces de la nature ?   


S'il n'est pas toujours possible de guérir, il faut au moins soigner, c'est-à-dire faire au maximum de ses possibilités. Le bénévolat n'est pas une mission impossible réservée aux meilleurs d'entre-nous. C'est un moyen d'apporter sa pierre à l'édifice de la société, au monde qui est le nôtre. Une bonne maîtrise de soi-même, le fait de garder son sang-froid en toute circonstance permettent de garder cette disponibilité en tout temps et en tout lieu dans la plus petite action bénévole.   

L'état d'esprit nécessaire au bénévolat demande du recul par rapport à soi-même, par rapport aux autres et par rapport aux situations que l'on rencontre. Pour soi-même, il faut une discipline personnelle ; pour les autres, prendre sur soi afin de donner ce qu'ils n'obtiennent pas d'eux-mêmes. Enfin, le détachement des contingences -ces choses accidentelles qui se distinguent des choses essentielles- n'empêche pas la sensibilité de s'exprimer, mais exige une certaine maîtrise. Suivant le dictionnaire de Paul-Emile Littré, est détaché des choses "celui qui est détaché d'un sentiment, d'une opinion, d'une passion. Il est dans un grand détachement de ses intérêts personnels"…A l'image de ces moines dans leur monastère, qui semblent impassibles parce qu'ils font constamment des efforts sur eux-mêmes.   

L'exemple à suivre est la première conséquence heureuse de ce comportement. Suivant le principe que n'importe quel bien est toujours remarquable, cette " contagion " du bon exemple, cette humilité intérieure par rapport à soi, aux autres et aux circonstances devient alors une vraie modestie qui renforce la confiance. Un vrai bénévole la pratique toujours, et nous en voyons les résultats parfois extraordinaires. L'influence devient peu à peu référence, un exemple auquel on se réfère et qui présente une échelle de valeur à suivre. Le bénévole guide les esprits vers un bien général et se fait ainsi - consciemment ou inconsciemment - source de la justice, cette protection des pauvres ("ceux qui ne peuvent se défendre") comme le fit Saint Vincent de Paul en son siècle. Voilà le vrai devoir de l'homme : apporter non seulement sa pierre à l'édifice de la société, mais en plus, par son esprit, apporter une pierre qui se veut d'achoppement, une pierre angulaire.   

Le sentiment d'avoir rempli sa mission est la seconde conséquence heureuse. Plus qu'une satisfaction intérieure qui ne conçoit qu'elle-même, le constat du devoir accompli apporte cette paix de l'âme propre aux justes, à défaut de la tranquillité du cœur si recherchée des esprits généreux. D'avoir agi au maximum de nos possibilités dans chaque circonstance nous incite à la sérénité. Pour le reste, ce qui n'est pas en notre pouvoir, ce qui n'est pas maîtrisable, le plus sage est de le confier à la providence (certains diront hasard). "Le sage s'accommode aux changements divers, et l'homme généreux se doit à l'univers", disait Brébeuf, poète français du XVIIe siècle.   

Le coup d'envoi est important dans le bénévolat, pouvoir en mesurer la qualité également Les instruments de mesure sont ceux de l'esprit et du cœur, de l'intelligence et de la volonté. Un bon arbre doit produire de bons fruits, et comme toutes les plantes que l'on fait pousser, leur croissance mérite surveillance : il faut certes les arroser, mais savoir aussi les tailler.   



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