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Numéro 37 - rive artistique - décembre 2019

dr Omar Shahryar, directeur de la Compagnie Opera Schmopera pour les jeunes

La participation: une source d’inspiration démocratique pour la sensibilisation à l’opéra

Un nouveau prix, les Projets participatifs, décerné aux Récompenses internationales de Young Audiences Music (YAM) 2019 reflète la prise de conscience grandissante que l’excellence dans ce domaine exige une reconnaissance. Des compétences différentes sont requises pour que des gens s’investissent dans des activités en dehors de leur « zone de confort ». Le savoir-faire d’experts dans la participation artistiques, dont la pratique s’est développée depuis les années 1960, mérite d’être récompensé pour que des millions de participants potentiels puissent bénéficier d’une expertise dans tous les domaines- pas seulement les arts, mais aussi la science, la politique, les affaires sociales, l’éducation , etc. Voici quelques exemples de pratiques “à la pointe” dans le monde de l’opéra.

François Matarasso définit l’art participatif comme  “la création de l’art par des artistes professionnels et non-professionnels”(1). Deux choses sont importantes: premièrement, que “chaque personne investie dans une action artistique soit (considérée) comme un/une artiste,” et deuxièmement, que les artistes créent quelque chose de nouveau. Le résultat du processus est que professionnels et non-professionnels fassent “quelque chose ensemble qu’ils n’auraient pas fait seuls” (2),  et que ce soit conforme à des standards professionnels.

Pour les institutions, la participation est un moyen de démocratiser leurs activités, d’amener tout citoyen à comprendre leur façon de faire (modus operandi). En tant que praticien, je pense que les artistes professionnels et les institutions peuvent tout autant bénéficier de ce processus participatif. Non seulement cela peut rendre l’art esthétiquement plus adapté au public, mais les spectateurs eux-mêmes disent régulièrement qu’ils aiment voir des gens comme eux intervenir aux côtés des artistes autant que toute autre considération esthétique. Dans certains cas, particulièrement dans les travaux artistiques sur des sujets spécifiques - en particulier auprès de certaines communautés, les voir être représentées est absolument nécessaire.

Dans mon opéra participatif créé en 2018, A Shoe Full of Stars (3), un groupe de collégiens, participants, ont écrit pratiquement toute la musique qu’ils ont chantée – environ 40% de la musique de tout l’opéra. Leur engagement et leur sentiment de propriété du morceau étaient si grands qu’ils étaient capables de répéter sept fois la composition d’une heure! En  2016, l’Opéra et le Ballet national de Finlande (FNOB) ont encouragé la participation au-delà de tout ce qui avait déjà été réalisé jusque-là avec Aikalisä (4), engageant 14 bénévoles entre 12 et 17 ans à créer un livret (libretto), à composer et orchestrer ensemble un opéra, avec une coordination des artistes du Kuule, Minä Sävellän! et du programme des très jeunes compositeurs du Philharmonique de New York (5). Le morceau a été joué par la compagnie des jeunes du FNOB– par les jeunes, pour les jeunes et sur des jeunes.

Matarasso définit l’art communautaire comme “la création de l’art comme un droit humain, par des artistes professionnels et non-professionnels, coopérant entre égaux, avec des buts et en fonction de standards décidés ensemble, et dont les  processus, produits et résultats ne peuvent pas être connus à l’avance”(6). En d’autres termes, les objectifs de l’art communautaire sont pour les artistes professionnels et non-professionnels de faire de l’art en tant que communauté, sans que la qualité de professionnel ou de non-professionnel soit finalement si importante.

Un exemple de cette méthode de travail est le projet Opéra Circus, “The Complete Freedom of Truth” (7). Même le titre du projet n’était pas connu à l’avance – quand il est apparu, la directrice de la compagnie ; Tina Ellen Lee a trouvé qu’il était trop long. Mais la communauté a bien sûr eu le dernier mot, en choisissant un titre original qui représentait profondément le travail accompli. La responsabilité de l’artiste dans ce cas est d’abord de devenir membre de la communauté puis de laisser l’art se manifester dans une forme décidée ensemble : marionnettes, poésie, parcours, chanson ou danse. La démocratie culturelle, au sens de faire de l’art entre égaux, donne beaucoup de confiance en soi.

Les compétences participatives  peuvent ouvrir des portes intéressantes pour la création artistique. J’ai une fois utilisé mes compétences comme compositeur «participatif » pour écrire des chansons pour des gens : une première pour un mariage, une autre pour l’anniversaire d’une épouse, une autre pour le pot de départ d’un collègue. Pour le travail participatif ou communautaire que j’ai réalisé, nous avons trouvé les mots et la mélodie ensemble. Les chansons qui en ont découlé étaient si inspirées que leurs destinataires ont pleuré d’émotion, et mes clients insistaient pour doubler mes honoraires.

De quelle manière le processus participatif peut-il être utilisé par les artistes et les institutions? L’avenir de la participation est prometteur si ces exemples de « bonnes pratique » sont partagés par des réseaux internationaux comme Young Audiences Music, Reseo ou l’Iriv. Il est temps de réfléchir-  comment participer pour  démocratiser notre  art?

(1) Matarasso, François (2019), « A Restless Art », Lisbon : Calouste Gulbenkian Foundation & London : Paperback, pp 48-49
(2) Ibidem
(3) Une chaussure pleine d’étoiles
(4) Délai d’attente (technique) ou “temps suspendu” (poétique)
(5) John Deak, “Aikalisä, an opera, a new art form?” FiSME, Apr, 2016 téléchargé le 16 septembre 2019, https://fisme.fi/kuukauden-kolumnit/komunit2016/aikalisa/
(6) Matarasso, A Restless Art, p. 51 ; op. cit.
(7) La liberté complète de la vérité



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