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Numéro 6 - rive académique - janvier 2006

dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Saussure, une nouvelle aventure

L'iriv change de rive, l'institut quitte le boulevard Raspail pour la rue de Saussure (1). Occasion d'évoquer deux grands personnages et de réfléchir à une nouvelle approche du bénévolat.   


Qu'ont en commun Raspail et Saussure, homme politique et scientifique français face à un linguiste suisse ? Tous deux sont d'ascendance helvétique (2). Tous deux ont marqué une ère nouvelle. Raspail initia la théorie cellulaire qui devait prendre un développement considérable (3). Saussure est le père de la linguistique moderne, précurseur du structuralisme (4). Leurs travaux nous permettront de réfléchir à une approche différente du bénévolat.   

François-Vincent Raspail était un homme engagé. Le jeune séminariste abandonna sa vocation religieuse pour s'adonner aux deux passions de sa vie : la science et la politique, moteurs du progrès. Il étudia la gale et comprit l'importance de la cellule, unité organique de tout être vivant. Surnommé le " médecin des pauvres " (5), il donna à l'hygiène un rôle dans la prévention de la maladie (la fameuse " Méthode Raspail ").   

L'engagement de Raspail est conforme à l'idéal républicain du XIXe siècle. Militantisme et volontariat sont le cœur de son bénévolat social et socialiste. Plus singulier est son double parcours, politique et scientifique. Que peuvent nous apprendre ses recherches sur le bénévolat ? D'après ses travaux, la " vésicule " (ancien nom de la cellule) serait l'essence même de la vie : " Donnez-moi une vésicule organique dans laquelle puisse s'élaborer à mon gré d'autres vésicules ; je vous rendrai le monde organisé ". Le " bénévole " est à l'image de cette cellule, il agrège autour de lui d'autres cellules qui construisent et organisent le monde !   

Ferdinand de Saussure a changé le sens de la linguistique. La parole devenait un sujet d'étude à part entière : il fallait certes s'intéresser à l'origine et à l'évolution de la langue (étude diachronique) mais surtout concentrer sa recherche sur le langage (" étude synchronique ").     

La terminologie saussurienne peut renouveler notre approche du bénévolat. Considérons le bénévolat comme une conception abstraite qui fédère un ensemble d'actions pour autrui, il serait la langue, ce produit collectif de communautés linguistiques. Le bénévole est l'illustration de cet engagement, il serait la parole, ce langage commun à tous.   

L'étude bénévole ou " bénévolistique " pourrait devenir une nouvelle science humaine qui dégagerait les lois générales régissant le bénévolat, les évolutions de l'engagement, les motivations et les spécificités du bénévole du XXIe siècle.   

Longue vie au bénévolat ! Le bénévole fait vivre le bénévolat en faisant de cet ensemble abstrait et complexe une langue toujours vivante !     



(1) Pour ce passage de la rive gauche à la rive droite, nous passons de la station Sèvres-Babylone à Villiers. 
(2) La famille Raspail, venue de Suisse, s'installa au XVIe siècle à Carpentras. Saussure est Genevois, il présenta ses premiers travaux sur l'indo-européen à Paris (où il dispensa des cours à l'école des Hautes Etudes). 
(3) Il innova aussi dans le domaine médical voir le site helvète de médecine www.rev.med.ch. 
(4) Les Cours de linguistique générale de Saussure ont été reconstitués par deux disciples (C. Bailly et A. Sechelaye). Son influence est européenne et même américaine. Pour se familiariser avec cette nouvelle conception de la linguistqiue Voir Introduction à la linguistique française, J.L. CHISS, J. FILLIOLET et D. MAINGUENEAU, Hachette, t.1, 2001. 
(5) Il n'avait pas de diplôme officiel mais soignait des patients (il ne faisait pas payer les pauvres).   



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