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Numéro 8 - rive d'Allemagne - septembre 2006

dr Sebastian Braun, professeur à l’Université de Paderborn (Allemagne)

Engagement civique et crise de l'Etat Providence

"L'engagement civique" est une notion très large en Allemagne qui inclut le bénévolat, le militantisme, le sponsoring d'entreprise. Il peut s'appliquer aux champs politique, sportif, culturel, environnemental, éducation, juridique, économique. Cet engagement civique concerne chacun et suscite un intérêt croissant auprès de tous les Allemands, il est naturellement devenu une thématique récurrente des discours politiques. Pourtant la question du rôle de l'Etat et de l'engagement du citoyen dans une société qui connaît une crise de " l'Etat Providence " est toujours âprement discutée.   


Dans les années 1970, la crise économique mondiale a remis en cause le modèle social-démocrate de " l'Etat gardien du bien public " dans lequel les " citoyens actifs " ne jouaient qu'un rôle secondaire. La redécouverte du pluralisme social et des associations anti-institutionnelles des " alternatives de gauche " coïncida alors avec les exigences de dénationalisation, de privatisation et de subsidiarité des " libéraux-conservateurs ".   

Depuis les années 1980 les propositions libérales ont pris de plus en plus d'importance. Partisans et adversaires usent d'ailleurs de la même argumentation : le marché, l'Etat et le citoyen sont considérés de manière isolée et ignorent superbement les formes associatives (à l'exception de la famille). Une réorganisation des institutions de l'Etat Providence favoriserait les acteurs non étatiques : cela redonnerait alors à l'engagement civique un rôle plus important.   

Dans ce nouveau welfare mix : le citoyen n'est pas seulement un client ou un consommateur, son engagement permet d'équilibrer les actions pour le Bien public. Jusqu'alors l'Etat garantissait la responsabilité, le financement et la réalisation des services, il devrait à présent se limiter aux tâches de régulation et de modération en déléguant la responsabilité de la réalisation et du financement aux associations. Nouvelle division des tâches où " l'Etat acteur" (aktivierender Staat) favoriserait l'engagement civique en créant des " structures d'opportunité ". Les politiques et les fonctionnaires doivent soutenir l'action des citoyens engagés en les faisant bénéficier d'une formation solide, d'une bonne gestion de leur temps, d'une meilleure publicité de leur action. La professionnalisation de ces structures associatives permettra alors une véritable reconnaissance.   

L'enthousiasme officiel sur " le nouveau citoyen " masque mal l'instrumentalisation de l'engagement civique. On peut se réclamer de " la nouvelle culture des citoyens ", en accomplissant de grandes campagnes de publicité plutôt que de réaliser les programmes d'action annoncés. On peut favoriser l'engagement des citoyens pour décharger le budget étatique mais l'Etat garde toute initiative, commande, direction et contrôle.   

La " démocratie d'application " est vraiment d'actualité : la " chose publique " appartient à tous, l'Etat doit accepter l'idée que l'engagement citoyen peut pallier les faiblesses d'une société qui n'a plus les moyens de tout financer, réguler, contrôler. La " société civile " doit pousser les politiques à rendre les institutions étatiques plus souples, le principe de subsidiarité et de communalisation des tâches ne doivent plus être de simples mots. Lorsque le rôle des associations est pleinement reconnu, comme en Hollande ou en Angleterre, toute la société bénéficie des actions citoyennes et cela ne remet pas en cause les institutions. L'Etat Providence n'est plus, vive l'engagement civique !    



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