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Numéro 10 - rive éditoriale - mai 2007

dr Bénédicte Halba, présidente fondatrice de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Combats bénévoles

Le bénévolat est un combat personnel. On choisit une association, une fondation, un parti, une commune pour défendre sa conception de la société, pour promouvoir des valeurs auxquelles on est attaché. L'engagement se fait aussi auprès d'individus : les autres bénévoles, les membres de l'association, le public. Le combat s'engage personnellement au nom de la collectivité.   


Le bénévolat est un don de temps à des étrangers, selon le sociologue canadien Jacques Godbout (1). Ce phénomène social si particulier remonte à la charité chrétienne, à la compassion bouddhiste ou aux religions monothéistes ou polythéistes qui ont fondé nos civilisations. L'altruisme serait la forme moderne de la charité. Le bénévolat renouvelle ce don : le " sens du devoir et du sacrifice" devient un " plaisir et une liberté des bénévoles d'aujourd'hui " qui se traduit par la " facilité de sortir (exit) de la relation quand on le souhaite ". C'est ce qui différencie la charité de la solidarité qui accorde toute son importance à la responsabilité.   

Le pape Benoît XVI a souligné ce " phénomène important de notre temps ", " l'apparition et l'expansion de diverses formes de bénévolat qui prennent en charge une multiplicité de services " dans sa Lettre encyclique Deus caritas est (2). Cet engagement " éduque à la solidarité, à la disponibilité, en vue de donner non pas simplement quelque chose mais de se donner soi-même ". Le Souverain Pontife observe l'émergence, dans l'Eglise catholique et dans d'autres Eglises et Communautés ecclésiales, de nouvelles formes d'activité caritative. Il insiste sur l'action indispensable des laïcs qui ressentent le " devoir immédiat d'agir pour un ordre juste dans la société " pour promouvoir le " bien commun ".   

C'est une des ambivalences du combat bénévole. Le bénévolat est fondé sur la liberté et le plaisir, plus individualiste selon Jacques Godbout. Il est basé sur le sens du devoir et de l'amour du prochain dans une acception chrétienne. Cette dualité reflète bien les contradictions internes de nombreux bénévoles, leur combat intérieur. Les motivations sont souvent mêlées : personnelles et altruistes, individuelles et collectives. La première raison pour s'engager est d'adhérer à un projet associatif, se mettre au service d'une cause. La deuxième est de rencontrer des gens d'horizons variés, nouer des " affinités électives " (3) au sein d'un groupe. Une troisième est d'utiliser utilement son temps, en enrichissant ses connaissances dans un domaine, en développant son expérience, en acquérant la maîtrise d'une technique. Un dernier aspect est aussi la volonté d'exister autrement, en dehors de sa famille ou de sa vie professionnelle, de construire une autre identité sociale.   

Le combat des bénévoles n'est pas seulement intérieur. L'apprentissage peut être long pour trouver sa place au sein d'un nouveau groupe, définir son rôle, proposer des projets, les développer, collaborer avec les autres. Les motivations évoluent aussi au cours d'un engagement. On pense spontanément à utiliser des compétences que l'on maîtrise puis à développer d'autres facettes de sa personnalité. Le problème de la légitimité, le soupçon d'incompétence se pose quand on s'essaie à un nouveau domaine.   

La reconnaissance de l'engagement est un problème crucial pour les bénévoles. Beaucoup disent qu'ils n'attendent rien en retour du temps qu'ils offrent. Ils sont souvent les premiers à minimiser leur travail, à dénigrer parfois cette expérience si singulière. Leur bénévolat forge pourtant une autre personnalité, une nouvelle identité. Il prépare parfois à une insertion ou une reconversion professionnelle. Le combat est aussi de défendre cette singularité, cette spécificité du bénévolat.   

Le bénévolat n'est pas un simple passe-temps, un loisir, une activité comme une autre. Le combat bénévole est avant tout un parti pris et une lutte permanente pour défendre les droits des autres mais aussi son identité.     


(1) Godbout (Jacques), Le don, la dette et l'identité, éditions La Découverte & Syros, Paris, 2000 
(2) Souverain Pontife Benoît XVI, Lettre encyclique Deus caritas est, Rome, 25 décembre 2005 
(3) Goethe (Johann Wolfgang), Les affinités électives, 1809, éditions Gallimard 1954, Paris.



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