← Retour

Numéro 2 - rive académique - décembre 2004

dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Le vocabulaire de la reconnaissance

Le service bénévole n'est pas univoque. Le bénévole accepte une certaine autorité et s'engage dans une action collective (cf service militaire), ce choix est fondé sur le libre exercice d'un choix personnel (voir les locutions rendre service ou prestation de service). Le don bénévole est un service qui mérite une récompense, une rétribution pour gratifier cette contribution. Tous les mots, gravitant autour du mot reconnaissance (1), révèlent la richesse et la complexité d'un terme qui recouvre des domaines religieux, juridiques et maritimes.  

La contribution est une part apportée à l'œuvre commune. Dans le domaine maritime, la contribution au jet de mer répartit les dommages lorsqu'une partie du chargement ou des agrès a été jetée en mer (à cause d'une tempête par exemple). La rétribution est un avantage en nature pour un service rendu, c'est aussi le partage des frais et avaries en mer. Contribution et rétribution supposent que le bénévole et l'association soient solidaires quelle que soit l'action engagée. La métaphore maritime illustre l'idée de compagnonnage et d'aventure collective du bénévolat. On retrouve cette même image dans l'expression signaux de reconnaissance qui désignent à la fois les signaux propres à un navire de guerre (clairon, pavillon…) et le numéro composé de quatre lettres servant à identifier tout bateau. Les rives de l'iriv ont choisi, sans le savoir, un titre " marin " avec un acronyme de quatre lettres, les recherches lexicales apportent parfois de belles surprises.  

Récompense, dédommagement, rémunération, émolument, ajoutent au champ juridique un champ religieux. La récompense est l'indemnité due à l'un des deux époux après dissolution de la communauté, sur le plan religieux, c'est la compensation promise aux âmes des justes. Le dédommagement (dommages et intérêts partagés pour des pertes matérielles) serait selon le Robert Historique à rapprocher de l'étymon latin daps, dapis (sacrifice, repas rituel suivant le sacrifice). La rémunération (prix dont on paie les services rendus) est, au sens archaïque, une récompense divine. La rémunération d'assistance est la somme due à un navire qui a prêté assistance à un navire en péril. L'émolument (étymologiquement somme payée au meunier pour moudre le grain) est l'actif recueilli par un héritier et, par extension, la rémunération. Le don est un présent et, sur le plan religieux, une disposition innée. La gratification (récompense pour un service) est le seul mot qui depuis le XXème siècle, ait spécialisé son emploi en psychologie (satisfaction qui valorise ou dévalorise à ses propres yeux celui qui est frustré).  

Reconnaissance recouvre des notions et des métaphores qui peuvent caractériser le bénévolat. Le domaine maritime développe l'idée de solidarité et celle d'assistance indissociable du risque inhérent à toute entreprise collective. Le droit met en évidence la notion d'héritage et de communauté de biens. Enfin, le vocabulaire religieux insiste sur l'idée de récompense divine et de compensation pour des actions justes.  

Membre d'un équipage engagé dans une action collective dont il mesure les risques, le bénévole est héritier d'un idéal commun et serviteur d'une cause. Il ne doit pas être trop radical dans son engagement (2) et l'association trop exigeante : " le service des bénévoles n'est pas héritage " pour paraphraser un vieux proverbe (3). Cette bilatéralité est importante pour qu'il soit reconnu et que l'association n'en fasse pas un bénévole " de service ". La reconnaissance est la clé d'un bénévolat réussi.    

(1) Notre étude est fondée sur trois principaux dictionnaires : le Furetière (dictionnaire du XVIIème), le Littré (dictionnaire du XIXème siècle), le Trésor de la langue française (consultable par Internet http://atilf.atilf.fr) et le Robert historique de la langue française (dictionnaire étymologique édité par les Dictionnaires Robert, 1992). 
(2) Voir " Renaud le volontaire ", in Quel Statut pour le Bénévole/Volontaire ?, Actes du Colloque organisé par l'iriv au Palis du Luxembourg, Publication de l'iriv, 1998, pp3-7. 
(3) Service des grands n'est pas héritage signifiait qu'il ne fallait pas faire fonds sur le soutien systématique des grands (voir article service du Furetière).   


Si vous souhaitez réagir à cet article : info@iriv.net



devenez contributeur des rives d'iriv

← Retour