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Numéro 11 - rive académique - septembre 2007

dr Eve-Marie Halba, secrétaire générale de l'iriv, co-fondatrice des rives de l'iriv

Compétences sociales : de la psychiatrie au bénévolat

Compétent est tiré du latin competens et signifie littéralement " tendant vers le même but " (1). Cette idée première d' " émulation " est très présente dans certains mots de la famille : compétition, compétiteur, compétitif, compétitivité. Elle a complètement disparu dans : compétence, incompétence et quelques rares termes sortis de l'usage : compétemment " avec compétence " et compéter " être conforme à ".   

Le sens moderne de compétence "aptitude, autorité à effectuer certains actes " est tiré de sa spécialisation juridique. La compétence d'un tribunal, la compétence d'attribution désigne la qualité de pouvoir juger une affaire puis, par extension à d'autres domaines, une habileté reconnue à une personne de pouvoir " porter un jugement de valeur dans un domaine dont elle a une connaissance approfondie " (2).   

Le concept psychiatrique de compétences sociales (ou social skills) intéresse les sciences cognitives et peut inviter à réfléchir sur le bénévolat, la place et l'importance du bénévole dans les associations. Pour les psychiatres, les comportements sociaux s'analysent selon trois critères : l'affirmation de soi, la gestion de ses états émotionnels induits par des situations interpersonnellles et la résolution des problèmes relationnels.   

Les compétences sociales (3) permettent de définir et de vérifier la manière d'agir d'un individu dans une situation donnée. Trois étapes permettent d'optimiser sa réactivité au sein d'un groupe. Les " compétences réceptives ", " compétences du traitement de l'information " et " compétences motrices ". Nous verrons comment ces différentes approches peuvent aider à réfléchir sur le bon fonctionnement du bénévolat.   

Les " compétences réceptives " analysent la manière dont l'individu perçoit tous les éléments inhérents à une situation. Un bénévole ne choisit pas par hasard une association plutôt que telle autre. En effet, la notoriété et la manière dont les associations médiatisent leur action et leur image sont des éléments fondamentaux. Le premier contact du bénévole avec l'association correspondra ou non à l'idée qu'il s'était faite du projet auquel il veut adhérer. Il s'agit de ne pas décevoir ses attentes.   

Les " compétences du traitement de l'information " se fondent sur la recherche optimale de toutes les alternatives possibles. Cette étape est importante pour que le bénévole se sente bien dans l'association et y participe de façon durable. Il faut lui proposer une fonction ou une mission qui corresponde à ses capacités et aux besoins de la structure. Cette adéquation entre l'offre et la demande ne doit cependant pas être trop stricte et brimer les bonnes volontés. Une formation adaptée peut suppléer l'inexpérience. Rappelons les mots de Platon : un demi-savant est toujours plus dangereux qu'un total ignorant.   

Enfin, " les compétences motrices " rendent compte de l'adoption des comportements les plus performants. C'est un point souvent négligé par les associations : le fait de réfléchir sur son projet et de le faire évoluer grâce aux nouveaux venus. Le bénévole peut apporter une vision, une approche nouvelle dans la manière de contribuer au projet collectif. Un œil neuf n'est pas nécessairement inapproprié ou incompétent. Comment progresser si l'on rejette toujours les apports extérieurs ? D'une apparente erreur peut surgir une idée de génie. Songeons à Flemming et à la découverte de la pénicilline.   

Le bénévolat est souvent traité comme un fait de société un peu abstrait. On parle des bénévoles, des associations comme s'ils formaient un grand tout. Les médias donnent des illustrations plus concrètes de l'action bénévole, au gré de l'actualité des catastrophes naturelles (marées noires, tsunamis) ou des grands rendez-vous médiatiques (le Téléthon, les Vieilles Charrues, les Restos du cœur).   

La compétence ouvre une approche plus humaine du bénévolat qui tient compte des interactions nécessaires entre l'individu (le bénévole) et le collectif (l'association). Pour savoir sauvegarder l'esprit du projet associatif et le faire évoluer, la compétence doit aussi retrouver un esprit de compétition !   
 
 
 
(1) C'est une acception proche du mot concurrent " courir vers le même but ". Le verbe petere en latin, exprime l'idée de mouvement rapide et vif " se précipiter vers ". On retrouve ce sens de vivacité dans les dérivés impétueux, pétulant, appétence. Voir Iriv , "Bénévolat/volontariat et emploi : concurrence ou complémentarité ?", ouvrage collectif, Paris, 1999. 
(2) Définition du Trésor de la Langue Française (TLF) 
(3) Voir "Compétences sociales" in Dictionnaire de Psychiatrie, Pierre Juillet, CILF, 2000.  
 
 
 
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