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Numéro 11 - rive de l'invité - septembre 2007

Hervé Breton, consultant , chargé de cours à l'Université de Tours

Compétences et bénévolat

La compétence est à la mode. Elle imprègne les discours et les pratiques, s'impose dans les ressources humaines avec la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences), dans la gestion des parcours professionnels (1) -bilan de compétence et validation des acquis de l'expérience (2), dans les pratiques de management. L'approche par les compétences, après avoir conquis les entreprises (dirigeants, syndicats et salariés) est devenue un enjeu dans les administrations et les associations.   


Nous sommes entrés dans l'ère de la postmodernité (3), caractérisée par l'entrée dans la complexité, les évolutions rapides, le brouillage des repères. La stabilité des métiers a longtemps permis de dire ce que l'on sait faire sans avoir à décrire des savoir-faire, des connaissances… Dans un environnement stable à " révolution lente ", il suffit de nommer sa profession pour indiquer ce que l'on sait faire. En simplifiant, le boulanger sait faire du pain, le coiffeur, couper les cheveux et le comptable faire les comptes. Le nom même du métier indique dans ces exemples les savoir-faire acquis. L'évaluation porte alors sur la maîtrise du métier. En somme, le métier est stable et la maîtrise du métier varie.   

Les activités professionnelles naviguent entre métiers et fonctions. De plus en plus de professions n'indiquent pas grand-chose des savoirs et connaissances mobilisées : que sait faire un chargé de missions ou un chef de projets ? A priori, des missions et des projets. L'univers professionnel se compose maintenant de fonctions, de missions, d'activités, de taches… L'identification des savoir-faire nécessite alors de recourir à un langage plus abstrait. Prenons l'exemple de la fonction d'accueil : que mobilise une personne dédiée à cette fonction ? En répondant rapidement, nous pouvons considérer que des connaissances procédurales sont mobilisées (respecter les étapes suivantes : sourire, saluer, inviter à s'asseoir…), des savoirs techniques également (conduite d'entretiens : écouter, questionner, focaliser, reformuler…), des techniques de communication (intonation, postures physiques…), la connaissance d'informations à transmettre… etc. C'est le glissement du métier vers la fonction qui explique le recours croissant à la notion de compétence.   

Le professionnel se transforme en praticien. Plus que de métiers, il est devenu usuel de parler de " pratiques professionnelles " et même " d'agir professionnel ". Ce recours à la pratique professionnelle permet de s'engager dans des démarches d'analyse de l'expérience pour identifier les savoirs et les connaissances qui sont mobilisés dans l'action. Cette approche met l'expérience au centre du processus de formation, et vise à identifier dans l'agir, les savoirs théorique et procéduraux mais également les savoirs tacites (4), les connaissances incorporées, les tours de main et habiletés.   

Compétence et bénévolat : le jeu des deux termes ouvre des perspectives intéressantes. A priori, compétences et bénévolat ne vont pas de pair. En effet, une personne s'engageant comme bénévole dans une association le fait par " don de soi " et sans " obligation de résultat ". Il semble alors incongru d'attendre de lui efficacité et professionnalisme. Il est pourtant indéniable que les activités bénévoles comportent, notamment lorsque le bénévole est élu comme " administrateur ", de forts niveaux de responsabilité. Il est donc courant que le conseil d'administration d'une association constate la nécessité de développer la gamme des compétences disponibles pour ses projets.   

Plusieurs cas de figures sont alors possibles. Les bénévoles élus peuvent recruter afin de bénéficier de nouvelles compétences moyennant salaire. Les bénévoles, élus ou non, peuvent également se former pour acquérir les compétences nécessaires. Dans les deux cas, les arbitrages sont réalisés en termes de compétences : de l'analyse des projets à l'identification des besoins, de la mesure de l'écart entre compétences souhaitées et compétences disponibles. Ces opérations permettent de définir les moyens les plus adéquats pour disposer des compétences nécessaires au développement des projets (6) de l'association.   

L'approche par les compétences rend possible une lecture transversale des postes, des métiers et des fonctions. Chacun contribue au projet collectif et associatif en fonction des savoirs, savoir-faire, et savoirs relationnels qu'il peut apporter. L'analyse de la compétence ne vient pas effacer les différences de statuts, de grades ou de niveaux de responsabilité mais apporte simplement un regard neuf pour situer chacun dans le projet commun.
   
 

(1) Le Boterf Guy (2003), Développer la compétence des professionnels, paris, Dunod
(2) Aubret Jacques, Blanchard Serge (2005), Pratique du bilan personnalisé, Paris, Dunod
(3) Lipovetsky Gilles (2006), Les temps hypermodernes, Paris, Livre de Poche
(4) Nonaka Ikujiro, Takeuchi Hitotaka (1997), La connaissance créatrice, la dynamique de l'entreprise apprenante, Paris, DeBoeck
(5) Lainé Alex (2006), VAE, quand l'expérience se fait savoir, Paris, Erès
(6) Barbier Jean-Marie (1991), Elaboration de projets d'action et planification, Paris, PUF



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