← Retour

Numéro 13 - rive spirituelle - mai 2008

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Des gens dignes de confiance

Distinguons faire confiance et avoir confiance en quelqu'un. Faire confiance est une obligation quotidienne, un acte social - il suffit d'être deux. Avoir confiance est beaucoup plus personnel et permet de programmer ce qui construit l'homme, l'avenir. Aussi, avoir confiance en quelqu'un doit résulter du jugement, " l'intelligence en marche " comme disent les philosophes. La séparation de ces deux sortes de confiance est nécessaire à la prudence " organisatrice " de la vie.   


Faire confiance à quelqu'un relève d'une considération pratique, limitée dans le temps et dans l'espace. On fait confiance à un homme politique pour l'application de son programme. Les responsabilités dans une entreprise reposent normalement sur la confiance attribuée à chacun, elle-même fondée sur la capacité et l'expérience. Dans un établissement scolaire, la confiance faite aux élèves est plus relative, tout manquement est systématiquement sanctionné. Variée, souple selon les circonstances, parfois aveugle, cette attribution de la confiance sera toujours à dimension humaine parce que sociale.   

Avoir confiance en quelqu'un est autre chose. C'est le fruit d'une réflexion personnelle, mais aussi morale parce qu'elle repose sur les critères du bien et du mal. A la fois unique et universel, ce jugement se veut le plus juste possible. Mais à titre personnel, il sera forcément limité par ses faiblesses de raisonnement, son impéritie, ainsi que des aléas de la nature humaine.   

Les qualités d'autrui serviront alors de référence à cette réflexion personnelle. Universellement appréciées et reconnues, ce sont elles qui inspireront confiance. On pourra leur donner le nom de vertus, ces aspirations à respecter le bien et à supprimer le mal. On le voit : inspirer confiance est exigeant pour celui qui veut exercer une quelconque responsabilité, qu'elle soit d'ordre privé ou public. Il faut d'abord connaître le bien et le mal : s'instruire, observer, écouter, apprécier. Il faut ensuite éprouver sa fidélité, c'est-à-dire connaître ses limites.   

La pratique des vertus a beaucoup plus qu'un intérêt personnel, philosophique ou religieux. Elle a une utilité sociale, car l'homme ne peut vivre tout seul, surtout dans le cadre de la solidarité et à fortiori du bénévolat. Cette utilité sociale montre qu'il faut non seulement respecter les critères du bien et du mal afin de donner une échelle de valeur à autrui, mais qu'il faut également chercher à réparer, préserver le bien et corriger le mal. Certains, alors, deviennent dignes de confiance.   

Une société inspire confiance si elle fait régner la moralité et la justice, qui sont des vertus sociales par excellence. Abnégation personnelle, recherche de l'intérêt général, sont autant des qualités collectives que personnelles. Mieux encore, redonner confiance aux plus désespérés et apporter la rectitude morale fait le bonheur intérieur de l'homme. Ces points de repères sont indispensables à l'homme car ils lui disent ce qu'il faut faire ou ne pas faire.   

A vrai dire, c'est la confiance qui construit les sociétés. Celle-ci voit le jour grâce à la bonne appréciation de l'aptitude d'autrui dans un domaine particulier. Une société ne naît pas uniquement d'intérêts communs. Si c'est la confiance qui unit les hommes, la diversité du vocabulaire la concernant - inspirer confiance, donner sa confiance, retirer sa confiance- illustre bien la complexité de l'homme en son essence. Les rapports humains sont faits de fragilité, parfois de précarité, tout peut les diviser ou les consolider.



devenez contributeur des rives d'iriv

← Retour