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Numéro 13 - rive de l'invité - mai 2008

dr Madeleine Marchi, enseignante, docteure en Littérature médievale

Une histoire de confiance

Le domaine du bénévolat, plus qu'aucun autre, accorde au terme confiance tout son sens : les rapports ne s'établissent pas sur la base traditionnelle de compétences/rétribution mais sur le concept de l'échange gratuit. En ancien français, le mot fïance signifie " foi " et aujourd'hui encore la confiance est surtout un acte de foi, en soi, en autrui, en la vie.   


Confiance en soi ne signifie pas " présomption " mais juste appréciation de ses capacités et de ses limites. Se sentir capable d'effectuer telle ou telle tâche, de gérer tel ou tel problème, d'œuvrer pour la communauté ou pour soi est ce qui permet à l'individu de s'accomplir tout en étant utile à autrui.   

La psychanalyse nous a appris combien l'estime de soi est nécessaire dans la construction de la personnalité. Loin d'être un sentiment d'autosatisfaction, la confiance en soi nous permet de nous réaliser tout en réalisant. La façon dont autrui peut nous manifester sa confiance renforce ou crée ce sentiment de confiance en soi. Selon la célèbre formule : " autrui est le réalisateur entre soi et soi-même ". La confiance en soi, loin d'être nombrilisme, fait de l'individu le centre d'une entité familiale, ethnique, culturelle donc d'une structure sociale.   

Confiance en autrui ne se limite pas à une naïveté un peu niaise qui fait voir en chaque voleur un saint potentiel à la Jean Valjean. Elle se fonde sur l'appréciation rationnelle et psychologique de l'individu rencontré. Cela n'exclut pas l'intuition qui fait pressentir chez tel être, en apparence banal ou assez limité, un potentiel ou des qualités humaines ne demandant pour se révéler qu'un peu de confiance. Avoir foi en autrui est aussi une condition pour le faire avancer : si on lui fait confiance, il veut s'en montrer digne. Cet acte gratuit trouve donc sa récompense et sa justification dans une réciprocité fructueuse.   

Confiance en la vie ne signifie pas optimisme béat mais disponibilité et ouverture à l'imprévu, aux autres, à tous les possibles. Cette confiance en l'avenir éloigne d'office les esprits grincheux et passéistes, adeptes du mieux " de mon temps " et du pire demain. Cela ne défie pas la raison, pensons aux philosophes des Lumières et à leur foi matérialiste dans l'homme et dans le progrès. Ils exprimaient leur confiance en une amélioration des conditions de vie et de la nature humaine. Croire aujourd'hui en un progrès moral, indépendamment ou non de toute croyance religieuse, est peut-être l'acte de foi le plus banal et le plus nécessaire, mais si difficile.   

Le bénévole est, plus qu'un autre peut-être, amené à mettre en œuvre cette notion de confiance et donc à prendre un risque majeur : celui d'être trahi, déçu, blessé. Les mots dérivés de fïance sont méfiance et défiance nous mettent en garde. Il faut savoir affronter et dépasser les éventuelles déceptions pour en sortir plus fort, parfois. Ce processus de résilience est sans doute ce qui fait la richesse de tout engagement.



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