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Numéro 17 - rive spirituelle - septembre 2009

Abbé Régis de Saint-Rémy, prêtre

Force et faiblesse de l'expérience

Pour faire connaissance, on peut vouloir connaître, savoir et observer pour agir. Puis cette connaissance sensible et toute personnelle nous permet d'œuvrer pour acquérir ou exécuter un bien qui n'est pas nôtre. Deux méthodes sont à notre disposition. La première est théorique, c'est l'étude. La seconde est pratique, c'est l'expérience.  

On ne naît ni avec l'une, ni avec l'autre. Une expérience pratique est rarement suffisante. Elle constitue plutôt un complément d'informations qui, éclairé par un apprentissage académique, permet d'enrichir et de compléter ses connaissances. Si une expérience a le mérite d'être toujours réaliste, elle a le défaut d'être sujette à caution si elle n'est pas, comme le savoir théorique, subordonnée à un bien. Les deux se complètent et doivent se solidariser pour rechercher le même but.  

Par contre, l'expérience est indispensable. On le sait, rien ne la remplace car un savoir théorique reste dans la sphère des idéaux s'il n'est pas appliqué par la volonté propre de l'individu. Ce sont les actions qui font appliquer la parole. L'expérience consiste donc à transformer ce savoir tout en conservant un idéal. Il s'agit d'harmoniser théorie et pratique, mais de ne pas oublier que l'on recherche le Bien avant tout.  

Ce n'est pas toujours facile, car une expérience, même vécue par plusieurs, résulte toujours d'un investissement personnel. Elle fait intervenir réactions, passions et affections individuelles qui la rendent subjective. Apparaît alors le moment de s'élever spirituellement. Il en fut ainsi lorsque les Hébreux, peuple élu de l'Ancien Testament, demandèrent à Yahvé un roi pour mettre fin à leurs divisions internes. Celui-ci essaya en vain de les raisonner, mais ils n'écoutèrent que leur expérience. Ils eurent donc un roi, à la fois pour leur bonheur, mais aussi pour leur malheur, leurs divisions n'en étant que plus importantes.  

On peut prendre d'autres exemples plus actuels, comme celui du krach boursier d'octobre 2008 répétant, sous une autre forme, celui de 1929. La cupidité de certains s'est faite au détriment des autres. La croissance économique est devenue une idéologie ne servant que des intérêts particuliers. L'exemple de la guerre contre l'Irak est encore plus édifiant : beaucoup de morts de chaque côté, un combat autant idéologique qu'économique. Les traumatismes du Viêt-Nam et d'autres guerres seront-ils restés lettres mortes ? Dans ces deux exemples, l'expérience est purement et simplement subordonnée à des idéaux théoriques, c'est pourquoi le passé n'a pu éclairer le présent et éviter les mêmes terribles effets.  

Il existe de bonnes et de mauvaises expériences. On ne peut donc en nier l'existence. Mais il y a deux manières d'occulter ce savoir incontournable : la première est d'être amnésique et la seconde, d'être idéaliste. Il faut interroger les causes. Les idéologies l'emportent-elles sur la pratique ? Les intérêts personnels, ce que nous appelons égoïsme, prévalent-ils ? Dans ces deux cas, le but ultime, le Bien, n'est pas considéré et aucune expérience ne pourra guider les pas de ceux qui répèteront sans cesse leurs erreurs. Boîte de Pandore ou tonneau des Danaïdes ?



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