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Numéro 34 - rive pédagogique - mai 2018

Christiane Adjovi, Master en Sciences de l’Education (Université de Paris VIII) et Master en Sociologie et Anthropologie (Université de Cotonou)

Pour que l'école soit claire

Le mot clarté évoque la lumière, la précision, la simplicité, l’état de compréhension. Lorsqu’une notion ou un sujet ou même un mot est clair, il est compréhensible, facile à appréhender, évident et précis, net et limpide.

En matière de pédagogie et de didactiqueune explication ou une leçon claire est celle qui est intelligible pour l’apprenant quel que soit son niveau. La clarté peut désigner aussi la beauté syntaxique. Plus une phrase ou une consigne est bien construite et les mots bien agencés, plus elle est facile à comprendre par les apprenants. Boileau écrivait « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » (1). Il avait développé cette idée plus tôt dans son œuvre : « Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. » (2)

La clarté dans l’enseignement (3) est une condition sine qua non d’une progression sereine des apprenants. De nombreuses études ont été réalisées sur l’efficacité des pratiques pédagogiques en classe. Un lien existe entre elles : une clarté dans les méthodes, les contenus et les terminologies (4), clarté et perspicacité des approches pédagogiques, clarté sur le fond mais aussi sur la forme. Elle est aussi exigée dans le travail demandé à l’élève (5) quel que soit son niveau (6).

Un institut d’éducation motrice de la ville de Rennes ou une institution scolaire belge ont décidé de s’intituler CLARTE- probablement pour signifier la bonne structuration de son organisation pour l’une et la perspicacité de ses propositions pour prendre en charge les handicapés pour l’autre.

Dans un communiqué, le syndicat Sud Education critiquait en 2014 « des choix sans clarté ni moyens » de l’éducation prioritaire (7).  Il dénonçait « une logique de réseau qui ignore la réalité », « des listes établies dans la plus grande confusion », « des dysfonctionnements dans les réseaux REP + préfigurateurs ». Il reprochait le manque de netteté et la difficulté d’appréhender ou de comprendre les pratiques (opaques) de l’éducation nationale en ce qui concerne le réseau d’éducation prioritaire. Martine Hansen réclame plus de clarté et évoque l’absence de cohérence dans la politique d’éducation du ministre luxembourgeois de l’éducation Claude Meisch (8). 

La clarté à l’école concerne les institutions mais aussi tous les acteurs, à tous les niveaux.

Avec les parents, la clarté consiste à expliquerles changements successifs de programme et leur ouvrir l’école. Ils ont trop souvent été écartés des problématiques scolaires, à l’exception des représentants d’associations de parents. Dans le dernier programme une référence explicite est faite à « l’école qui accueille les élèves et les parents » (9). Il est stipulé que « dès l'accueil de l'enfant à l'école, un dialogue régulier et constructif s'établit entre enseignants et parents ; il exige de la confiance et une information réciproque. Pour cela, l'équipe enseignante définit des modalités de relations avec les parents, dans le souci du bien-être et d'une première scolarisation réussie des enfants et en portant attention à la diversité des familles ». Dès le départ, il est important de clarifier les rôles de chacun afin que chaque acteur sache ce qui lui est demandé pour éviter ainsi les quiproquos et les interférences. Chaque acteur fait un effort dans l’intérêt des enfants.

La clarté exige aussi une discipline-celle des parents, des enseignants et des enfants. Chaque acteur se réfère à sa propre éthique dans ses relations avec les autres. Il est aussi nécessaire d’être clair avec les élèves sur les règles qui déterminent les comportements et attitudes dans la classe ainsi qu’à l’école pour respecter le vivre ensemble. Il s’agit de mettre en place un ordre qui gère le rôle de chacun. La clarté des règles est essentielle pour un climat de la classe qui favorise les relations dans le groupe, la sérénité du travail et le respect de chacun.

Selon Denis Meuret « en 2015, la France est le pays où ce climat de discipline s’est le plus dégradé »10. La clarté disciplinaire - par le biais de la justice et la bienveillance qui font l’équilibre dans l’enseignement - devrait impacter l’ambiance en classe. Elle est gage de réussite dans les différents apprentissages. Mais est-ce bien toujours le cas ? A bien des égards le clair-obscur qui caractérise les rapports dans la société pénètre dans le milieu scolaire et empêche souvent la sérénité nécessaire aux enfants pour apprendre.

 (1)  BOILEAU (Nicolas), 1674, Recueil Art Poétique, Chant 1
(2)  op. cité
(3) Le premier niveau du référentiel de l’éducation prioritaire dit « « enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maitrise du socle commun »
(4)  Chartrand, S. & De Koninck, G. (2009). « La clarté terminologique pour plus de cohérence et de rigueur dans l’enseignement du français (suite) ». Québec français, (154), 143-145
(5) CLEMENT (Lucile), 1987 « A l'école de la clarté : la dissertation française » (PP. 22-35) in  Langue française, n°75, numéro thématique « La clarté française » sous la direction de Marc Wilmet
(6)  Voir article de FIJALKOW, Jacques, « La théorie de la clarté cognitive, d’hier à demain », Recherches en didactiques, vol. 18, no. 2, 2014, pp. 45-56 qui  parle de « clarté cognitive ».
(7)  Communiqué de la Fédération SUD éducation, Paris,  12 décembre 2014
(8) Martine Hansen, députée du Nord luxembourgeois au nom du CSV (parti populaire chrétien-social), Luxembourg, septembre 2015
(9) Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015
(10)  Meuret (Denis),  professeur émérite en sciences de l'éducation, note dans un article publié par Discipline à l'école : "Le bavardage est devenu un fléau" par Anna Benjamin, l’Express, 30 mars 2017

 



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