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Numéro 38 - rive éducative - mai 2020

Christiane Adjovi, Master en Sciences de l’Education (Université de Paris VIII) et Master en Sociologie et Anthropologie (Université de Cotonou)

Quelques réflexions sur la couleur à l’école

 « La couleur est la gloire de la lumière »(1).

La couleur est perçue différemment par les peuples (2). Elle est omniprésente dans notre quotidien et nos émotions (3). Certains documents didactiques pour les enseignants ne peuvent être qu’en couleur.

A la maternelle un travail est fait autour des couleurs avec des albums et des histoires. Le loup qui voulait changer de couleur, la couleur des émotions, Les souris peintres, Elmer, Chien bleu, Petit bleu et petit jaune, Poisson arc-en-ciel… Des albums en anglais tel que Brown Bear aident à travailler les couleurs. Les couleurs ont une importance essentielle à l’école pour aborder les compétences.

Dans son environnement physique, un lieu habituellement terne, morose, avec une architecture impersonnelle, uniforme, l’imagination des personnes qui y travaillent est sollicitée pour l’égayer »- le mobilier, les installations de jeux,  l’espace de la classe... Au niveau du matériel pédagogique, les couleurs peuvent aider les enfants à mémoriser et influencent, les comportements, les émotions et donc les apprentissages (4).

La discrimination visuelle est une compétence travaillée à l’école maternelle (des couleurs, des objets, de lieux, etc.). Elle est attendue et travaillée dans tous les domaines : langage oral et écrit, numération, logique, formes, art visuel etc. Des enseignants créent des groupes de travail pour travailler collectivement des compétences du programme en atelier (5). Ce sont de véritables groupes de reconnaissance et d’appartenance pour les enfants qui apprennent à s’identifier, à reconnaître leur prénom et ceux de leurs camarades.

Les couleurs à l’école peuvent susciter la concentration, le calme et la détente, et la créativité (6). Les activités sur les jours de la semaine, les mois de l’année et l’art visuel exploitent les couleurs. L’art visuel en maternelle a une réelle utilité pédagogique, didactique et sociale. Les enfants apprennent à exprimer leur ressenti personnel (marqué et influencé par leur environnement familial et socio-professionnel), à élargir leur horizon, à utiliser différents outils et matériels/matériaux et développer leur motricité, à élargir leur vocabulaire (en apprenant à exprimer leurs sentiments), à  développer leur sens de l’esthétique et leurs émotions dans un lexique précis, apprendre la différence en vue du respect de l’altérité dans l’empathie et la bienveillance, développer une communauté d’œuvre (7)…. Michel Pastoureau, le spécialiste de l’histoire de la couleur a lui-même baigné dans le milieu de l’art (8).

L’enseignant est en permanence à la recherche d’adaptation pour prendre en charge chacun des enfants de sa classe. Son rôle est comme celui d’un magicien des couleurs - donner de la vie, de l’espoir, aux plus démunis, aux décrocheurs. A la base, tout est gris, uniforme ; puis avec des pinceaux, son savoir se  ravive ; il colorie et donne de l’espoir, de la joie, de la vie (9)

Une institutionnalisation de la couleur, de ses codes, et pas des notes. La note est parfois considérée comme stigmatisante et démotivante pour les élèves. Le système d’évaluation basé sur des couleurs est plus bienveillant et donc positive. L’élève est évalué par des codes couleurs. La meilleure note n’est plus considérée comme primordiale, juste une capacité à acquérir des connaissances, à apprendre. Les neurosciences ont joué un rôle. Le problème est-il réellement réglé ou juste déplacé ? Le rouge restera aussi catastrophique que le 2 alors que le vert s’apparente toujours au 16 ou 18. Le sentiment d’échec et de culpabilisation est atténué, il ne disparaît pas totalement. La situation n’est pas idyllique. Une ancienne ministre de l’éducation reste prudente malgré sa préférence pour ce système d’évaluation (10). En maternelle, l’évaluation dite positive prévaut : pas de notes, mais des compétences évaluées sous différentes formes (cochées sur une liste de compétences, ou sous forme de vignettes…).

Certains pédopsychiatres accordent une grande importance aux couleurs dans la vie des enfants et de ceux qui les accompagnent Marcel Rufo (11) a fait changer les couleurs du nouvel hôpital de pédopsychiatrie de Marseille qui ont été choisies pour répondre aux pathologies des adolescents. Il en est de même d’organisations à but non lucratif (12). Les couleurs sont essentielles dans la vie des enfants, pour apprendre en se sentant en sécurité. 

Fernand Oury a inventé le système des ceintures de couleurs (13) pour que les enfants participent à leur propre « évaluation » en s’inscrivant dans une progression par étape dans les matières essentielles et le comportement. Les ceintures de couleur mesurent les compétences scolaires et sociales. Cette évaluation tient compte de l’hétérogénéité des apprenants et de la diversité d’acquisition des connaissances et compétences. Chacun à son niveau tient compte de « l’histoire » de chaque enfant. Cette invention vise le progrès différencié dans la coopération et le vivre ensemble. Avant lui, Freinet avait institué le tableau des couleurs pour visualiser les niveaux des élèves.  

Il y a tant à dire sur les couleurs dans le milieu scolaire. Néanmoins, si les couleurs sont omniprésentes et considérées comme favorables aux apprentissages, ne peuvent-elles pas aussi poser des problèmes en tant que médiatrices de connaissances en surchargeant et camouflant la cible de l’apprentissage ?



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