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Numéro 43 - rive éducative - décembre 2022

Christiane Adjovi, Master en Sciences de l’Education (Université de Paris VIII) et Master en Sociologie et Anthropologie (Université de Cotonou)

Des enseignants de talents pour des élèves talentueux…

Les diplômes sont faits pour les gens qui n’ont pas de talent.. ”(1) Cette phrase est-elle juste une provocation ? Le talent se suffit-il à lui-même ?  Est-il réservé uniquement à certaines personnes, élues, qui ont bénéficié du bon patrimoine génétique ?(2) Le talent est-il une qualité ou une aptitude universelle que l’on peut entretenir, par les études et d’autres activités ? Quelle est la place de l’innéité dans le talent ? Le talent est défini comme une aptitude particulière à réaliser une activité : artistique, manuelle, intellectuelle etc. Une personne talentueuse est douée. Le talent a des dimensions multiples ; un ensemble de facteurs observables ou non qui concourent à faire d’une aptitude un talent.

Le talent est un élément qui caractérise une personne, peu importe son niveau intellectuel. Ce « n’est pas simplement un répertoire de compétences et de savoirs certifiés par un diplôme, c’est aussi la capacité d’agir dans un environnement plus incertain, et d’apprendre ainsi ce que valent les dispositions qu’on détient, et de les modifier au besoin » (3). Les disciplines scolaires et universitaires n’auraient donc aucun impact sur le talentueux. Le talent serait un don, une aptitude innée, une habileté avec laquelle nous naissons. Nous serions donc prédisposés à chanter d’une belle voix, à jouer correctement d’un instrument, à résoudre des problèmes mathématiques….

Pour Jessca Riddel le talent naturel en enseignement, ou même en recherche, est un mythe. Les deux activités nécessitent du travail, de la réflexion, de la ténacité, de la résilience et une conviction de pouvoir progresser et s’améliorer en tant qu’universitaire, personne et citoyen. On ne devient pas miraculeusement, du jour au lendemain, un grand chercheur avec des études supérieures, tout comme on ne se présente pas devant sa première salle de classe déjà en pleine possession de ses moyens » (4)

Manuel Schotté a analysé les phénomènes extérieurs « au talent » des coureurs, des facteurs socio-historiques liés à l’environnement, mais aussi économiques dans leur pays d’origine et dans ceux où ils courent le plus (5). Les aptitudes individuelles jouent mais aussi la formation qui permet au talent de se développer.

Sans des parents musiciens qui l’ont formé, Mozart n’aurait pas pu être ce musicien de génie. Il avait des prédispositions et une très bonne mémoire, mais le milieu dans lequel il est né et a vécu a contribué à forger et développer ses aptitudes de base. Il a continué à s’entraîner, en créant et en jouant tout au long de sa vie. Le talent peut se perdre ou se gâcher s’il ne s’accompagne pas d’un travail régulier. Un apprenant avec des aptitudes à résoudre des problèmes mathématiques, sans entraînement et accompagnement, voit son talent gâché.  Dans la « parabole des talents » de l'Évangile selon Mathieu, un maître distribue à ses serviteurs cinq, deux et un talents d'or (6). Ceux-ci représentent des « dons » divins qu'il ne suffit pas de recevoir : chacun a le devoir de les faire fructifier.  

Des journées de talents ou la valise des talents proposée dans des établissements scolaires a pour but de valoriser les aptitudes non scolaires autour de ce que les apprenants aiment et savent faire. (7) L’école des talents propose de valoriser les points forts et les talents naturels » (8). Hachette a mis en place une collection intitulée « talents d’écoles » pour les enseignants de la maternelle jusqu’au cycle 3. Les journées de talent dans les écoles se multiplient. Les équipes valorisent les talents en donnant une place à chaque membre de l’équipe et en les motivant, pour mieux aider les apprenants à découvrir leur propre talent. Le but est d’entrer naturellement et spontanément, sans effort, dans l’apprentissage en étant confiant et satisfait de soi après l’activité sans s’ennuyer et sans avoir l’impression d’être nul en éprouvant une satisfaction personnelle.

Dans une enquête menée pour les études de PISA 2018, Thomas Breda a analysé le talent comme un stéréotype qui s’associe au phénomène du genre et impacte les choix scolaires des adolescents et la perception qu’ils ont de leurs résultats (9). Les enseignants sont des catalyseurs : ils ont pour rôle de découvrir les talents des élèves et de les accompagner en s’adaptant à eux. L’éducation est centrée sur l’apprenant même s’il est  « différent » (troubles tda, dys, hp, hypersensibilité, phobie scolaire, troubles anxieux…), seules ses aptitudes comptent. Un travail sur l’autonomie permet de révéler son talent et de développer son potentiel.

Camille Nôus ne supporte plus le mot « talent »/« talents » et le discours qui consiste à dire qu'il faut les attirer alors qu'ils sont déjà là, bien présents dans l'université française  (10). Le manque de moyens dans les établissements scolaires voit parfois des talents se flétrir. Il faut en effet créer des conditions d’exercice, de déploiement, d’expérimentation et d’accompagnement efficient. D’autres structures sont censées prendre le relais mais le manque de moyens humains et matériels limite les effectifs accueillis (conservatoire, piscine, structures sportives etc.).

Le mot talent figure aussi à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.  Croire en ses capacités, avoir confiance et développer les talents que l’on a choisis sont des ambitions humaines universelles



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